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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/213

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Après avoir dit : « Par la foi et pour la foi », il renvoie son auditeur aux traits de Providence consignés dans l’Ancien Testament, qu’il a exposés avec beaucoup de sagesse dans son Épître aux Hébreux, et démontre que déjà alors les justes et les pécheurs étaient justifiés ; c’est pourquoi il cite l’exemple de Rahab et d’Abraham. Ensuite, après cette simple indication, (car il est pressé de courir à un autre sujet), il prouve sa thèse par les prophètes, en produisant le témoignage d’Habacuc, qui s’écrie et dit que celui qui doit vivre ne peut vivre que par la foi. Car « le juste », dit-il en parlant de la vie à venir, « vivra de la foi ». En effet, puisque les dons de Dieu surpassent toute intelligence, la foi nous est évidemment nécessaire. Par conséquent l’incrédule, le dédaigneux et l’orgueilleux n’aboutiront à rien.
Que les hérétiques écoutent la voix de l’Esprit. Car telle est la nature des raisonnements c’est une sorte de labyrinthe, d’énigme, qui n’a point d’issue, ne permet point à la raison de s’établir sur la pierre, et prend son origine dans l’orgueil. Rougissant de se soumettre à la foi et de paraître ignorer les choses du ciel, ils se perdent dans le brouillard de mille pensées. Ensuite, ô mortel infortuné, misérable et digne d’une extrême pitié ! si l’on te demande comment le ciel et la terre ont été faits ; que dis-je, le ciel et la terre ? comment tu as été engendré, comment tu as été nourri, comment tu as grandi, tu ne rougis pas de ton ignorance ; mais si on parle du Fils unique, tu te jettes dans un abîme de perdition, par honte, parce que tu crois indigne de toi de ne pas tout savoir ? Ce qui est indigne, c’est de discuter et de raisonner hors de propos. Mais pourquoi parler de dogmes ? Nous ne pouvons même échapper aux misères de la vie présente que par la foi. Car c’est par elle qu’ont brillé tous ces hommes illustres, Abraham, Isaac, Jacob ; par elle la prostituée a été sauvée et dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. « C’est par la foi », est-il écrit, « que Rahab, femme de mauvaise vie, ne périt point avec les incrédules, ayant reçu pacifiquement les espions ». (Héb. 11,31) Elle ne s’est point dit : Comment ces prisonniers, ces fuyards, ces émigrants, ces vagabonds, triompheront-ils de nous qui avons une ville, des remparts et des tours ? Si elle se fût tenu ce langage, elle se serait perdue avec les autres, comme avaient fait les ancêtres des espions qui étaient sauvés ce jour-là. Car voyant des hommes de haute taille, ils désespérèrent et périrent sans combat, sans coup férir. Voyez-vous quel abîme c’est que l’impiété, et quel rempart c’est que la foi ? L’une a détruit d’innombrables multitudes, et l’autre a non seulement sauvé une femme de mauvaise vie, mais en a fait la protectrice d’un grand peuple.
Instruits de ces choses et de beaucoup d’autres, ne demandons jamais compte à Dieu des événements, mais acceptons tout ce qu’il ordonne, et ne raisonnons jamais, ne discutons jamais, quand même ses ordres sembleraient absurdes à la sagesse humaine. Qu’y a-t-il, dites-moi, de plus absurde en apparence que de commander à un père d’immoler son fils unique ? Et pourtant le juste qui recevait cet ordre, ne le discuta point, mais l’accepta et le remplit, par égard pour celui qui l’avait donné. Un autre qui avait reçu de Dieu l’ordre de frapper un prophète, trouva le commandement absurde et fut frappé de mort pour ne l’avoir point accompli, tandis que celui qui l’exécuta fut agréé de Dieu. Et Saül, pour avoir épargné des hommes contre l’ordre de Dieu, perdit la couronne et souffrit des douleurs insupportables. On pourrait citer bien d’autres exemples qui nous apprendraient qu’il ne faut jamais demander à Dieu raison de ses ordres, mais y céder et obéir. Que s’il est dangereux de discuter ce que Dieu commande, et si le dernier supplice en est la punition, comment s’excuseront un jour ceux qui essaient de scruter des mystères beaucoup plus profonds, beaucoup plus terribles, par exemple, comment et par quel procédé Dieu engendre son Fils, quelle est sa substance ? Convaincus de ces vérités, accueillons avec la meilleure volonté possible la foi, source de tous les biens, afin que, naviguant comme en un port tranquille, nous conservions les saines croyances, et que, réglant notre vie en toute sécurité, nous obtenions les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui appartiennent au Père la gloire, la puissance, l’honneur et l’adoration, en même temps qu’au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.