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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/220

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nus et sans voile. Mais cette âme prudente et sainte a su résoudre le problème, en aggravant l’accusation au nom de la nature, et en se servant de cette même nature, comme d’un voile pour sauver la décence de son langage. Après avoir d’abord parlé des femmes, il en vient aux hommes, et dit : « Et pareillement les hommes, l’usage naturel de la femme abandonnée » : ce qui est l’indice d’une extrême dépravation, parce que les deux sexes sont corrompus, et que celui qui est établi comme le maître de la femme, et celle qui a été créée comme aide de l’homme, se traitent mutuellement comme dès ennemis. Et voyez comme les expressions de l’apôtre sont énergiques ! Il ne dit pas qu’ils se sont aimés, désirés mutuellement ; mais : « Ils ont brûlé de désirs l’un pour l’autre ». Remarquez-vous que tout vient de l’excès de la passion, qui ne peut plus se contenir dans les bornes de la nature ? Car tout ce qui transgresse les lois de Dieu, porte à l’excès, et ne se tient point dans les limites prescrites. Car comme on voit souvent des hommes ayant perdu le goût des aliments, manger de la terre et de petites pierres, et d’autres brûlés par la soif, être avides d’une eau boueuse ; ainsi ils brûlaient d’un amour contraire à la loi. Et si vous demandez : D’où venait cet excès de la passion ? De ce que Dieu les avait abandonnés. Et pourquoi Dieu les avait-il abandonnés ? A cause de l’iniquité de ceux qui l’avaient abandonné les premiers. « L’homme commettant l’infamie avec l’homme ».
2. Pour avoir entendu ce mot : « Ils ont brûlé de désirs », n’allez pas vous imaginer, dit l’apôtre, que la maladie se bornait à la seule concupiscence : car le plus souvent cette concupiscence empruntait son feu de leur lâcheté. Aussi ne dit-il point entraînés ou préoccupés ; expressions qu’il emploie ailleurs. Que dit-il donc ? « Commettant ». Ils ont mis le péché à effet, et non seulement à effet, mais avec ardeur. Il ne dit pas le désir, mais proprement « l’infamie » ; car ils ont outragé la nature et foulé les lois aux pieds. Et voyez un peu la confusion qui s’ensuit des deux côtés. Tout est bouleversé et mis sens dessus dessous, ils sont devenus ennemis d’eux-mêmes et entre eux, en allumant une guerre terrible, multipliée, variée, plus cruelle qu’aucune guerre civile. En effet, ils lui ont donné quatre formes aussi vaines que contraires aux lois : car elle n’était pas seulement double ou triple, mais quadruple. Examinez un peu : l’homme et la femme de deux ne devaient faire qu’un : « Ils seront les deux en une seule chair », est-il écrit. (Gen. 2,24) Le désir de l’union conjugale produisait en effet, et réunissait les deux sexes. Le démon, en détruisant ce désir et lui en substituant un autre, a brisé le rapport d’un sexe à l’autre, a fait deux de ce qui n’était qu’un, contrairement à la loi de Dieu qui avait dit : « Ils seront les deux en une seule chair », tandis que lui partage une seule chair en deux. Voilà une première guerre.
Ensuite il a armé ces deux parties contre elles-mêmes et entre elles : car les femmes n’outrageaient pas seulement les hommes, mais aussi les femmes ; et les hommes à leur tour, non contents de se faire la guerre, la faisaient aussi au sexe féminin, comme dans un combat de nuit. Voyez-vous une seconde et une troisième guerre, et même une quatrième et une cinquième ? Il y en a encore une autre outre ce que nous avons dit, ils outrageaient encore les lois de la nature elle-même. Car le démon s’apercevant que le désir portait surtout un sexe vers l’autre, s’est attaché à briser ce lien ; en sorte que le genre humain tendait à sa destruction, non seulement par le défaut de génération, mais aussi par suite de la division et de la guerre qui régnaient entre les sexes.
« Et recevant ainsi en eux-mêmes la récompense qui était due à leur égarement ». Voyez comme il revient encore à la source du mal, l’impiété dogmatique, et fait voir que d’elle dérivaient ces désordres. Comme en parlant de l’enfer et de ses supplices, il ne paraissait point digne de foi aux impies et à ceux qui avaient adopté ce genre de conduite, qu’il leur semblait même ridicule, il leur prouve que la volupté renferme, en elle-même son châtiment. S’ils ne le sentent pas, s’ils jouissent même, ne vous en étonnez pas : les furieux, les frénétiques, tout en se blessant et en se maltraitant misérablement, tout en excitant la pitié chez les autres, rient et sont heureux de ce qu’ils font. Nous ne les disons pas pour cela exempts du châtiment ; nous les disons au contraire d’autant plus punis qu’ils ignorent leur état. Car ce ne sont pas les malades, mais ceux qui se portent bien qu’il faut consulter ; d’ailleurs c’était anciennement chez