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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/267

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n’y a plus de difficulté à l’admettre. Il s’attache ensuite à prouver que cela, était nécessaire : Comment cela ? « Il n’en est pas », dit-il, « du don comme du péché : car le jugement de condamnation vient d’un seul ; tandis que la grâce de la justification délivre d’un grand nombre de péchés (16) ». Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’un seul péché a pu amener la mort et la condamnation ; tandis que la grâce a effacé non seulement ce péché, mais tous ceux qui ont été commis dans la suite. Et pour que, les mots « comme » et « tandis que » ne semblent pas établir une parité entre les biens et les maux, et que vous ne pensez pas, en entendant parler d’Adam, que, son péché seul a été effacé, il dit que beaucoup de péchés ont – été remis. Quelle en est la preuve ? C’est qu’après les innombrables péchés commis à la suite de celui du paradis, tout a abouti à la justification. Or, partout où est la justice, la vie et les biens infinis se trouvent nécessairement, comme partout où est le péché, la est la mort.
En effet la justice est plus que la vie ; puisqu’elle est la racine de la vie. Mais que beaucoup de biens aient été procurés, et que, outre le péché d’Adam, tous les autres aient été effacés, l’apôtre le prouve en disant : « La grâce de la justification délivre d’un grand nombre de péchés ». D’où suit cette conséquence nécessaire, que la mort a été radicalement détruite. Mais comme il a affirmé que la justice est plus que la vie, il faut encore qu’il le prouve. D’abord il a dit : Si le péché d’un seul nous a donné la mort à tous, à bien plus forte oraison la grâce d’un seul pourra-t-elle nous sauver ; ensuite il a fait voir que la grâce n’a pas seulement effacé le péché d’Adam, mais encore tous les autres : que non seulement les péchés ont été effacés, mais que la justice a été donnée ; que non seulement le Christ a fait autant de bien qu’Adam avait fait de mal, mais qu’il en a fait beaucoup plus. Après de telles affirmations, il a besoin ici l’une preuve plus forte. Comment la donne-t-il ? « Si par le péché d’un seul » ; dit-il, « la mort a régné par un seul, à plus forte raison a ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice régneront dans la vie par un seul, Jésus-Christ (17) ».
Ce qui veut dire : Qu’est-ce qui a armé la mort contre le monde entier ? La faute commise par un seul homme en mangeant du fruit défendu. Si donc la mort a acquis une telle puissance par suite d’une seule faute, lorsqu’on en voit quelques-uns recevoir une grâce et une justice bien plus grande que ce péché, comment pourront-ils encore être sujets à la mort ? Voilà pourquoi il ne dit pas ici : La grâce, mais « L’abondance de la grâce » car nous n’avons pas seulement reçu la mesure de grâce nécessaire pour l’abolition du péché, mais beaucoup plus. En effet nous avons été délivrés du châtiment, nous avons dépouillé toute matière, nous avons été régénérés d’en haut, nous sommes ressuscités après avoir enseveli le vieil homme, nous avons été rachetés et sanctifiés, nous avons été amenés à l’adoption et justifiés, nous sommes devenus les frères du Fils unique, nous avons été établis ses cohéritiers, les membres de son corps, nous lui avons été unis comme le corps l’est à la tête. Tout cela forme ce que Paul appelle l’abondance de la grâce : indiquant que nous n’avons pas seulement reçu le remède capable de guérir notre blessure ; mais aussi la santé, la beauté, l’honneur, la gloire, des dignités bien au-dessus de notre nature. Et chacune de ces choses suffisait par elle-même à détruire la mort ; mais quand toutes sont réunies, on n’aperçoit pas même la trace, pas même l’ombre de la mort, qui a complètement disparu. Si quelqu’un jetait en prison un homme qui lui devrait dix oboles, et, avec lui et à cause de lui, sa femme, ses enfants et ses domestiques ; puis qu’un autre survint et payât non seulement les dix oboles, mais y ajoutât en pardon dix mille talents d’or, conduisit ensuite le prisonnier dans un palais, le plaçât sur un trône élevé, le fit participer aux honneurs suprêmes et l’environnât d’éclat : celui qui aurait prêté les dix oboles n’oserait plus y penser. Ainsi en est-il de nous. Le Christ a payé beaucoup plus que nous ne devions ; c’est un immense océan vis-à-vis d’une goutte d’eau.
Ne doutez donc plus, ô homme, à l’aspect de tant de trésors, et ne demandez plus comment l’étincelle de la mort et du péché s’est éteinte au milieu de cette mer de grâces. C’est à cela que Paul faisait allusion quand il disait : « Ceux qui ont reçu l’abondance de la grâce et de la justice, régneront dans la vie » ; et après l’avoir clairement démontré, il revient à son premier raisonnement et le comme par répétition en disant que : si d’une part