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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/281

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fait certain païen, et que là sagesse profane vous couvre de honte. On raconte qu’un de ces philosophes entrant dans une magnifique demeure, où l’or brillait de tout côté, toute resplendissante de l’éclat des marbres et de la beauté des colonnes, et voyant le parquet couvert partout de somptueux tapis, cracha sur le visage du maître de la maison, et répondit, au reproche qu’on lui en faisait, que n’ayant pas trouvé à le faire ailleurs, il s’était vu dans la nécessité de jeter cet affront à la face du propriétaire[1]. Voyez-vous combien est ridicule celui qui ne s’attache qu’à orner l’extérieur, et comme il est méprisable aux yeux des hommes de sens ? Et ce n’est que juste. Si quelqu’un, laissant votre femme couverte de haillons, habillait magnifiquement vos servantes, vous ne le supporteriez pas patiemment, vous en seriez outré de colère et regarderiez cela comme le plus grand des affronts. Faites à votre âme l’application de ce raisonnement. Quand vous embellissez des murs, des pavés, des meubles ou d’autres objets de ce genre, et que vous ne faites point d’abondantes aumônes, que vous né pratiquez point la vraie sagesse, vous ne faites pas autre chose que ce que nous venons de dire, vous faites même bien pis. Car entre une maîtresse et une servante, il n’y a pas de différence ; mais, entre l’âme et la chair, il y en a une très-grande, et une bien plus grande encore entre l’âme et une maison, entre l’âme et un lit ou un escabeau. Comment donc seriez-vous excusable de revêtir d’argent tous les objets, et de laisser votre âme couverte de haillons, malpropre, mourant de faim, percée de blessures, déchirée par des chiens sans nombre, puis de vous croire après cela, fort honoré de ces embellissements extérieurs ? C’est certainement là le comble de la folie, d’être un objet de dérision, d’injure et d’opprobre, d’encourir les derniers châtiments, et de se complaire encore dans ces futilités. C’est pourquoi, je vous en prie, réfléchissons à tout cela, redevenons sages quoique bien tard, rentrons en nous-mêmes, et reportons sur notre âme ces ornements extérieurs. Par là ils ne pourront plus se flétrir, ils nous rendront semblables aux anges et nous procureront les biens immuables. Puissions-nous tous avoir ce bonheur, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui la gloire appartient dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Il s’agit d’Aristippe. Voyez Diogène Laërce, via d’Aristippe.