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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/33

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devenus ses amis, ne se montrera-t-il pas plus généreux encore ? Aussi ne dit-il point simplement : le Saint-Esprit, mais : « le gage de l’Esa prit-Saint » ; afin que ce gage vous assure tout le reste. Non, s’il n’avait voulu voua donner tout le reste, il ne vous aurait point donné ce gage, et n’aurait pas en vain répandu et perdu, pour ainsi dire, son esprit dans vos cœurs. Et voyez la bonne foi de l’apôtre. A quoi bon dire, remarque-t-il, que la vérité des promesses de Dieu ne dépend point de nous ? Votre constance, votre inébranlable fermeté, est-ce à nous que obus la devez ? non, mais à Dieu seul : « Car celui qui vous confirme, c’est Dieu ». Ce n’est donc pas nous qui 'vous affermissons ; et nous-mêmes, n’avons-nous pas besoin de son secours pour persévérer dans nôtre constance ? Ainsi donc n’hésitez pas à croire nos enseignements ; c’est Dieu qui s’est chargé de tout, c’est de lui que tout dépend.
5. Que signifient ces paroles : « Qui nous a oints et marqués de son océan ? » C’est-à-dire, Dieu nous a donné son Esprit, et cet Esprit nous a oints et marqués de son sceau, nous faisant ainsi prophètes, prêtres et rois ; car prophètes, prêtres et rois recevaient autrefois l’onction sainte. Pour nous, ce n’est pas une seule de ces dignités, mais les trois ensemble qui nous sont conférées et dans un degré supérieur. Car nous sommes appelés à régner un jour, et en offrant nos corps comme victimes, nous devenons prêtres : « Offrez », nous dit l’apôtre ; « offrez vos membres, comme des hosties vivantes et agréables à Dieu ». (Rom. 12,1) De plus nous sommes établis prophètes : « Ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, voilà ce qui nous a été révélé ». (1Cor. 2,9) Nous sommes rois encore, si nous voulons commander à nos mauvaises pensées. Oui, celui qui commande à ses pensées mauvaises, est vraiment roi, il règne plus véritablement que celui dont la tête est ceinte du diadème : je veux vous le prouver.
Le roi a de nombreuses armées, il est vrai ; mais nos pensées sont encore plus nombreuses. Impossible en effet de compter les pensées qui sont dans notre esprit, non seulement il y a en nous une multitude de pensées ; mais ces pensées ont leurs généraux, leurs tribuns, leurs centurions, leurs archers, leurs frondeurs. A quel signe encore reconnaissez-vous un roi ? A ses vêtements ? Mais les vêtements de nos pensées ne sont-ils pas plus brillants et plus durables ? Ni la teigne, ni la vétusté ne les rongent. Bien plus elles ont pour couronnes la gloire et les miséricordes du Seigneur. « Bénis le Seigneur, ô mon âme », s’écrie David, « parce qu’il te couronne de bonté et de miséricorde ». (Ps. 102,2-4) « Vous l’avez couronnée », dit-il encore, « de gloire et d’honneur, et vous fui avez donné votre bonté pour bouclier et pour diadème ». (Ps. 5,13) Il forme autour d’elles comme une couronne de grâces : « Vous recevrez », dit l’Écriture, « une couronne de grâces sur votre tête ». (Prov. 1,9) Voyez-vous quelle variété de couronnes, quel gracieux diadème ! Mais entrons dans le détail, et examinons avec soin ce qui entoure les rois. Le roi domine sur tons ceux qui lui font cortège, et commande à tous ses sujets. Or je veux vous montrer ici un commandement bien plus étendu. Quant à la multitude des pensées elle est égale à celle des sujets, elle la surpasse même ; comparons donc la soumission des unes et des autres. Ne produisons point ces rois déchus de leurs trônes, ou tués par leurs satellites. Non, n’en tenons pas compte, et ne mettons en parallèle que ces rois qui ont bien 4dministré leurs royaumes. Supposez tous ceux qu’il vous plaira ; je me contenterai, moi, de mettre en regard le seul patriarche Abraham.
Lorsqu’il reçut l’ordre d’immoler son fils, que de pensées, dites-moi, vinrent s’opposer à sa résolution ! Il les fit taire cependant, et elles tremblèrent devant lui plus que des satellites devant leur roi ; d’un seul regard, il les comprima toutes, et pas une n’osa murmurer ; toutes baissèrent la tête, comme si elles eussent cédé devant un roi, et cependant qu’elles étaient violentes et emportées ! Oui, moins horribles, moins redoutables sont les piques dont se hérisse toute une armée. N’inspirait-elle point plus d’horreur que des lances acérées, cette pitié que soulevait la nature ; et ne pouvait-elle pas s’enfoncer dans l’âme plus avant que la pique la plus aiguë ? Jamais on ne verra pointe plus acérée que les pointes de ces pensées qui jaillissent du fond du cœur et se dressant devant l’âme du juste, la transperçaient toute entière. Une lance, pour donner la mort, a besoin de temps, d’une résolution à prendre, d’un coup à frapper, d’une douleur à causer, et la mort ne vient qu’après ; mais ici rien de tout cela n’était nécessaire, tant les