Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nature. Ensuite en avertissant sévèrement le gentil et en disant : « Ne te glorifie point aux dépens des rameaux », il semble consoler le Juif, et néanmoins fait voir sa bassesse et l’excès de son ignominie. Aussi ne dit-il pas. Ne te glorifie pas, mais : « Mais ne te glorifie pas aux dépens », ne te glorifie pas de manière à les briser entièrement : car tu occupes leur place, tu jouis de leurs avantages.
5. Voyez-vous comme, tout en gourmandant les gentils, il pique vivement les Juifs ? « Que si tu te glorifies », dit-il, « sache que tu ne portes point la racine, mais que c’est la racine qui te porte (18) ». Et qu’est-ce que cela fait aux rameaux qui ont été retranchés ? Rien. Comme je l’ai déjà dit, tout en paraissant apporter aux Juifs une faible consolation et attaquer les gentils, il porte à ceux-là un coup mortel. Car en disant : « Ne te glorifies pas », et : « Que si tu te glorifies, sache que tu ne portes pas la racine », il fait voir au Juif qu’on pouvait se glorifier du passé, bien qu’on ne le dût pas : il l’excite, il l’anime à embrasser sa foi, il joue le rôle dé défenseur, en lui montrant la perte qu’il a subie et comment d’autres ont recueilli ses avantages. « Tu diras sans doute, les rameaux ont été brisés « pour que je fusse enté (19) ». Sous forme d’objection, il établit le contraire de ce qui précède, et fait voir que ce qu’il vient de dire tout à l’heure n’avait pas d’autre but que d’attirer les Juifs. 'Ce n’est plus par leur péché que le salut est venu aux gentils, leur péché m’est plus la richesse du monde. Nous n’avons plus été sauvés parce qu’ils sont tombés ; c’est tout le contraire qui a lieu. Il indique que les gentils ont eu la part principale dans cette action de la Providence, bien que ses paroles précédentes semblent présenter un autre sens ; il enchaîne tout ce passage sous forme d’objection, pour écarter tout soupçon d’hostilité de sa part et se faire accepter de l’auditeur.
« Fort bien ». Il approuve ce qui vient d’être dit : puis il excite l’épouvante en disant « C’est à cause de leur incrédulité qu’ils ont été rompus. Pour toi, tu as été enté par la foi ». Voici encore un éloge des gentils et une accusation contre les Juifs. Mais de nouveau il réprime l’orgueil des gentils, en ajoutant. « Ne cherche pas à t’élever ; mais crains (20) ». Car ceci n’est point chose naturelle, mais affaire de foi et d’incrédulité. Encore une fois, il a l’air de fermer la bouche au gentil et d’apprendre au Juif qu’il ne faut faire aucune attention à la parenté naturelle ; c’est pourquoi il ajoute : « Ne cherche pas à t’élever ». Il ne dit pas : Sois humble, mais « Crains » : Car l’orgueil produit le mépris et la lâcheté. Puis voulant peindre leur infortune avec de vives couleurs, pour ne pas leur être trop odieux, il a l’air de gourmander les gentils et dit : « Car si Dieu n’a pas épargné les rameaux naturels » ; il n’ajoute pas : Il ne t’épargnera pas, mais : « Il pourra bien ne pas t’épargner toi-même (21) ». Il ôte aussi à sa parole ce qu’elle avait de désagréable, en même temps qu’il excite la vigilance du fidèle, attire les Juifs et contient les gentils.
« Vois donc la bonté et la sévérité de Dieu ; sa sévérité envers ceux qui sont tombés, et sa bonté envers toi, si toutefois tes demeures ferme dans cette bonté ; autrement tu seras aussi retranché (22) ». Il ne dit pas : Vois tes bonnes œuvres, vois tes travaux, mais Vois la bonté de Dieu ; indiquant par la que tout est l’œuvre de la grâce d’en haut et leur inspirant des sentiments de terreur. Car c’est parce que tu as sujet de te glorifier, que tu dois trembler. Crains, précisément parce que Dieu s’est montré bon envers toi : car ces biens-là né sont pas immuables, si tu te relâches, pas plus que les maux pour les Juifs, s’ils se convertissent. Et toi aussi, dit-il, tu seras retranché, si tu ne persévères pas dans la joie.
« Mais eux-mêmes, s’ils ne demeurent point dans l’incrédulité, seront entés (23) ». Car Dieu ne les a pas retranchés, mais ils se sont brisés eux-mêmes et sont tombés. Et il a raison de dire : « Se sont brisés » ; car jamais Dieu ne les a ainsi rejetés, bien qu’ils aient grandement et souvent péché. Voyez-vous quelle est la puissance du libre arbitre ? Quel est le pouvoir de la volonté ? Car rien n’est immuable, ni ton bonheur ni leur malheur. Voyez-vous comme il relève celui qui désespère et abat celui qui a trop de confiance ? Toi qui entends parler de sévérité, ne désespère point ; toi qui entends parler de bonté, ne t’enfle point. Il t’a retranché avec – sévérité, afin que tu désires revenir ; il t’a montré de la bonté, afin que tu persévères. Il ne dit pas Dans la foi, mais : « Dans cette bonté », c’est-à-dire, si tu te conduis d’une manière digne de la bonté de Dieu : Car la foi ne suffit pas.