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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/404

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votre manger celui pour qui Jésus-Christ est mort ». N’estimez-vous pas assez votre frère, pour acheter, même au prix de l’abstinence, le salut de son âme ? Comment ! le Christ n’a refusé pour lui, ni d’être esclave, ni de mourir ; et vous ne mépriserez pas assez la nourriture pour sauver votre prochain ? Le Christ ne devait pas conquérir tous les hommes, par son sacrifice, il ne l’en a pas moins accompli ; mourant pour tous, il a fait tout ce qui était de lui. Et vous, quand vous savez qu’à propos de cette nourriture vous jetez votre frère dans des maux terribles, vous disputez encore ; celui que le Christ juge d’un si grand prix, vous le méprisez à ce point ; celui que le Christ a aimé paraît vil à vos yeux ? Et ce n’est pas seulement pour les infirmes que le Christ est mort, mais pour ses ennemis ; et vous, dans l’intérêt des infirmes, vous ne pourrez pas pratiquer l’abstinence ? Le Christ a fait le plus grand sacrifice, et vous ne ferez pas le plus petit ? Et cependant il est le Seigneur, et vous, vous êtes un frère. Assurément ces paroles suffisaient pour couper court au mal ; car elles montrent quelle est la petitesse d’une âme qui, après avoir reçu de Dieu de grands bienfaits, ne le paye pas du moindre retour.
« Que votre bien donc ne soit point blasphémé. Car le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire ni dans le manger (16, 47) ». Le bien, c’est ici, ou la foi, ou l’espérance des récompenses à venir, ou la parfaite piété. non seulement, dit l’apôtre, vous ne rendez aucun service à votre frère, mais vous exposez et l’Évangile même, et la grâce de Dieu, et le don du ciel aux mauvais discours des hommes. Vos combats, vos disputes, les ennuis que vous causez, les scissions que vous provoquez dans l’Église, vos outrages à votre frère, votre haine contre lui, excitent les mauvais discours du dehors : de sorte que non seulement, par là, vous ne corrigez rien, mais vous produisez un effet tout contraire. Votre bien c’est la charité, c’est l’amour fraternel, c’est l’union, c’est la concorde, c’est la paix, la vie douce et clémente. Ensuite, nouvelle raison pour mettre un terme aux scrupules timorés de l’un, à l’esprit disputeur de l’autre, il dit : « Car le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire ni dans le manger ». Est-ce que c’est par là que nous pouvons être justifiés ? C’est ce qu’il dit ailleurs encore : « Si nous mangeons, nous n’en aurons rien davantage devant Dieu, et si nous ne mangeons pas, nous n’en aurons rien de moins ». (1Cor. 8,8) Il n’y a pas de preuve à faire ici, une simple assertion suffit. Ce que dit l’apôtre revient à ceci : croyez-vous que c’est le manger qui vous donne le royaume du ciel ? Aussi l’apôtre, se moquant de l’importance qu’ils attachent aux aliments, ne dit pas seulement que ce royaume ne consiste pas dans le manger, il dit, en même temps, ni dans le boire. Quels sont donc les titres qui nous donnent l’entrée au ciel. La justice, la paix, la joie, la pratique de la vertu, la concorde fraternelle, que contrarient de pareilles contestations ; la joie de l’harmonie que ruinent de semblables reproches. Ces réflexions, l’apôtre les adressait, non pas à un seul des deux partis, ais à l’un et à l’autre à la fois, parce qu’il y a ait opportunité de les faire entendre aux uns et aux autres.
2. Ensuite, après avoir parlé de paix et de joie (comme on peut trouver la paix et la joie même en faisant le mal), l’apôtre, après avoir dit : « Mais dans la justice, dans la paix et dans la joie », ajoute : « Que donne le Saint-Esprit ». Ainsi, celui qui cause la perte de son frère, trouble la paix et la joie, et il lui fait plus de tort que le malfaiteur qui ravirait de l’argent. Et ce qu’il y a de plus détestable, c’est qu’un autre a sauvé celui à qui vous faites tant de mal, et que vous perdez. Maintenant, comme ces pratiques, à savoir le genre des aliments, et cette apparence de vie parfaite ne conduisent pas dans le royaume de Dieu, et ne font que conduire à tous les désordres, comment ne pas mépriser des choses sans valeur, pour s’assurer des plus considérables ? Ensuite, comme c’était la vaine gloire qui inspirait secrètement ces reproches adressés aux chrétiens judaïsants, l’apôtre ajoute : « Celui qui sert Jésus-Christ en cette manière, est agréable à Dieu et approuvé des hommes (18) ». On n’admirera pas autant votre perfection de vie, que votre paix et votre concorde. Ce sont là, en effet, des biens dont tous pourront jouir, mais votre perfection de vie ne sert à personne. « Appliquons-nous donc à rechercher ce qui peut entretenir la paix parmi nous, et observons tout ce qui peut nous édifier les uns les autres (19) ». La première partie de ce conseil regarde le faible qui ne doit pas troubler la paix ; la seconde concerne le plus