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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/407

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du démon » ; ils voyaient les morts ressuscités, et ils ne l’adoraient pas, au contraire, ils s’efforçaient de le tuer. Corneille ne se montrait pas ainsi. II faisait avec soin tout ce qui dépendait de lui, et voilà pourquoi Dieu fit le reste. Ne dites donc pas : Comment Dieu a-t-il pu abandonner, un tel, cet homme plein de sincérité, d’honnêteté, tel païen ? D’abord, en fait de sincérité, les hommes ne peuvent pas porter de jugement ; le jugement n’appartient qu’à celui qui a fait les cœurs : ensuite on peut encore dire que bien souvent tel homme n’a montré ni aucun souci, ni aucun zèle pour la vérité. – Et comment le pouvait-il, direz-vous, avec sa simplicité et sa bonne foi ? En vérité considérez-le donc, je vous en prie, cet homme simple et sincère, examinez-le en ce qui concerne les affaires du siècle, vous verrez qu’il y a montré une très-grande application s’il en eût montré autant pour les choses spirituelles, Dieu ne l’aurait pas négligé ; car la vérité est plus claire que le soleil. En quelque pays qu’on soit, le salut est facile, avec un – peu d’attention, pour peu qu’on attache de l’importance à cette affaire. Est-ce que cette histoire de notre salut n’a pas dépassé la Palestine ? est-elle renfermée dans ce petit coin de la terre ? N’avez-vous pas entendu cette voix du prophète : « Tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand ». (Jer. 31,34) Ne voyez-vous pas l’accomplissement de la vérité ? Quel pardon peuvent-ils donc espérer, ceux qui voient la vraie croyance propagée, et qui ne se meuvent pas, qui ne s’inquiètent pas, qui ne font rien pour s’instruire ?
4. Mais prétendez-vous, dit-on, exiger cet empressement d’un paysan, d’un barbare ? Oui, et non seulement d’un paysan, d’un barbare, mais encore de l’homme le plus enfoncé de tous dans la barbarie. Car enfin, je vous le demande, comment se fait-il que dans la vie ordinaire il sache repousser une injure, résister à la violence, user de tous les moyens pour se préserver de la moindre atteinte, et qu’au contraire, dans les choses spirituelles, il ne montre pas la même prudence ? Quand il s’agit d’adorer une pierre qu’il prend pour un Dieu, de célébrer des fêtes, il dépense son argent et manifeste beaucoup de scrupule, il ne se montre jamais négligent par simplicité ; ce n’est que quand il faut reconnaître quel est le vrai Dieu, que vous venez me parler de sincérité, de simplicité ! Non, non, la vérité n’est pas là, votre simplicité n’est qu’un engourdissement coupable. Car enfin où est la simplicité, la rusticité, où la trouvons-nous ? chez les contemporains d’Abraham, ou chez les nôtres ? Elle fut, n’en doutons pas, chez les hommes des anciens temps. Et à quelle époque a-t-il été plus facile de trouver la religion sainte, aujourd’hui ou autrefois ? De nos jours, évidemment. De nos jours, chez tous les hommes, le nom de Dieu a été proclamé, la voix des prophètes a retenti, les événements se sont accomplis, les païens ont été confondus ; dans les anciens temps, la plus grande partie de la race humaine, sans doctrine, était sous la domination du péché ; ni loi, ni enseignement, ni prophète, ni miracles, ni préceptes, ni foule plus instruite, ni secours pour l’esprit ; obscurité profonde, nuit sans lune, nuit d’hiver, où toutes choses gisaient dans l’engourdissement. Et pourtant cet homme admirable, ce patriarche généreux, en dépit de tant d’obstacles, reconnut Dieu, pratiqua la vertu, remplit un grand nombre d’hommes du zèle qui l’animait, et fit tout cela sans rien connaître de la sagesse du dehors. Où l’aurait-il trouvée, les lettres n’existant pas encore ? Qu’importe ? Comme il fit tout ce qui dépendait de lui, Dieu, de son côté, fit le reste. Vous ne pouvez pas dire qu’Abraham hérita de la piété de ses pères : il était idolâtre. Eh bien, quoique sorti de tels ancêtres, quoique barbare, élevé au milieu de barbares, sans maître pour lui apprendre la religion, il connut Dieu, et chez tous ses petits enfants, qui ont pu jouir de la loi et des prophètes, son nom est entouré d’une gloire, d’une vénération que rien ne saurait exprimer. L’explication de cette histoire ? C’est que les affaires de la vie du siècle l’inquiétaient peu, c’est qu’il était entièrement adonné aux choses spirituelles. Et Melchisédech ? N’était-ce pas un homme des mêmes temps, et sa gloire ne lui a-t-elle pas mérité le titre de prêtre du Seigneur ? C’est qu’il est impossible, absolument impossible que celui dont l’esprit est vigilant soit négligé de Dieu. Ne vous troublez pas à mes paroles ; mais tous parfaitement convaincus que tout dépend de la bonne volonté, regardons, considérons bien où nous en sommes, afin de devenir meilleurs. Ne demandons pas à Dieu des comptes, ne cherchons pas à savoir pourquoi il a négligé un tel, appelé, au contraire, un tel. Ce serait