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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/42

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et c’est pourquoi il leur dit : « Je vous ai écrit dans ce dessein ». Sans doute, tel n’était pas le but de son épître, et s’il s’exprime ainsi ; c’est pour les entraîner plus facilement. Ce qu’il avait surtout en vue, c’était le salut de l’incestueux ; mais il aime à leur faire plaisir, quand il le peut sans inconvénient : Par ces paroles. « En toutes choses », il fait de nouveau leur éloge, en leur rappelant ainsi leur première obéissance.
« Quand vous accordez quelque faveur, c’est moi aussi qui l’accorde (10) ». Voyez comme il se met au second rang ; ce sont eux qui commencent, il ne fait que les suivre. C’est ainsi qu’on apaise une âme imitée ; c’est ainsi qu’on brise l’obstination. Cependant, il ne veut pas les rendre orgueilleux en proclamant leur autorité, ni leur permettre d’abandonner le pécheur. C’est pourquoi il ajoute qu’il lui pardonne lui-même : « Si je lui ai remis sa faute, c’est à cause de vous que je l’ai fait ». Oui, ce pardon, c’est à cause de vous que je l’ai accordé. Quand il leur enjoignit de le retrancher de l’assemblée des fidèles, il ne les laissa pas libres d’user d’indulgence envers lui ; mais il leur disait : « J’ai jugé à propos de le livrer au pouvoir de Satan » ; et cependant il se les associe pour prononcer la sentence, en ajoutant : « Vous vous réunirez à cet effet ». Remarquez ces deux actes de la plus haute importance : la sentence est prononcée, mais non sans leur participation, pour qu’ils ne pussent se plaindre, il ne la prononce pas seul, de peur de montrer de l’arrogance et du mépris à leur égard. D’autre part, il ne leur abandonne pas toute l’affaire, de peur que, manquant à leurs devoirs, ils n’exercent envers le coupable une indulgence intempestive. Il en agit de même dans la circonstance présente : « Je lui ai déjà accordé son pardon, comme dans ma première épître je l’avais déjà condamné ». Ensuite pour prévenir tout soupçon de mépris, il ajoute : « A cause de vous » ; quoi donc ? c’est pour se ménager les bonnes grâces des hommes, qu’il lui pardonne ? Non, car il ajoute aussitôt : « Dans la personne du Christ. » Qu’est-ce à dire : Dans « la personne du Christ ? » c’est-à-dire, selon Dieu, ou pour la gloire du Christ : « De peur que nous ne soyons circonvenus par Satan, car nous n’ignorons pas ses pensées (11) ». Voyez-vous comme il leur accorde et leur retire tour à tour l’autorité, voulant d’une part les ménager, et d’autre part prévenir tout sentiment d’orgueil ? Il veut en outre leur faire voir que leur désobéissance tournerait au détriment général. C’est ce qu’il avait en vue dès le principe, car alors il disait aussi : « Un peu de levain corrompt toute la masse » (1Cor. 5,6) ; et ici il dit : « De peur que nous ne soyons circonvenus par Satan ». Partout il se les associe dans l’absolution donnée à l’incestueux…
5. Reprenons les choses de plus haut. « Si quelqu’un m’a contristé, ce n’est pas moi qu’il a contristé », dit-il, « mais vous tous, en partie du moins, pour ne point l’accabler ». Et ensuite : « Il suffit qu’il soit réprimandé par le plus grand nombre ». Tel est sa décision, telle est sa pensée. Il ne s’en tient pas là ; mais de nouveau il se les associe en disant : « En sorte qu’il convient maintenant, au contraire, que vous lui pardonniez et le consoliez. C’est pourquoi je vous conjure de confirmer à son égard votre charité ». Après leur avoir abandonné tout le soin de cette affaire, il rappelle son autorité dans ces paroles : « Je vous ai écrit pour me convaincre que vous êtes obéissants en toutes choses » Puis il leur accorde le droit de faire grâce au coupable, en leur disant : « Celui à qui vous aurez pardonné ». Ensuite il le revendique pour lui-même : « Pour moi, si je lui ai pardonné, c’est à cause de vous, dans la personne du Christ » ; c’est-à-dire, pour la gloire de Jésus-Christ, ou bien encore d’après l’ordre de Jésus-Christ. C’est là ce qui surtout devait faire impression sur leurs : âmes. Ils eussent craint en effet de manquer d’indulgence dans une circonstance où la gloire de Jésus-Christ se trouvait intéressée. Après cela, c’est le funeste résultat de leur désobéissance qu’il leur met sous les yeux : « De peur que l’usurpateur Satan n’emporte quelque chose sur nous ». Épithète bien juste : car il ne prend pas seulement ce qui est à lui ; mais il enlève encore ce qui nous appartient. Qu’on ne dise pas : Mais l’incestueux seul est là proie du démon. Songez que le troupeau n’est plus complet ; et c’est un grand malheur, maintenant surtout, qu’il peut retrouver ce qu’il a perdu : « Car nous n’ignorons passes pensées » ; c’est-à-dire que ; soirs prétexte de piété, il cause notre perte. Ce n’est pas seulement en poussant au crime qu’il sait perdre les âmes, mais aussi en les plongeant dans une tristesse excessive.