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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/437

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Si Dieu ne punit pas ici-bas tous les coupables, ce n’est pas une raison pour refuser de croire aux choses à venir ; Dieu nous aime et il est patient. Voilà pourquoi il menace, et ne précipite pas tout de suite dans le lieu des tourments : « Je ne veux point », dit-il, « la mort du pécheur ». (Ez. 18,32) Mais s’il n’y a pas de mort pour le pécheur, ces paroles sont inutiles. Je sais bien que rien n’est plus désagréable, pour vous, que de pareils discours ; mais, pour moi, il n’est rien de plus doux. Et plût au ciel que nous eussions l’habitude, quand nous dînons, quand nous soupons, quand nous sommes aux bains, et partout, de nous entretenir de l’enfer ! car nous cesserions de nous affliger des maux que nous redoutons ici-bas, et de nous tant réjouir des biens présents. Car enfin de quel mai prétendez-vous me parler ? De la pauvreté, de la maladie, de la captivité, de la mutilation de nos corps ? Mais tous ces maux ne sont que risibles, comparés à l’autre châtiment. Et quand vous me parleriez de ceux que la faim torture sans cesse, et de ceux qui, dès l’enfance, sont privés de leurs membres, et des mendiants, ils vivent dans les délices, si on les compare à ceux qui subissent d’autres tortures. Ne nous lassons donc pas de ces réflexions ; on ne tombe pas dans l’enfer, quand on a toujours la pensée de l’enfer. N’entendez-vous pas la voix de Paul ? « Qui souffriront l’éternelle justice, confondus par la face du Seigneur ». (2Thes. 1,9) N’entendez-vous pas dire ce qu’est devenu Néron, que Paul appelle un mystère de l’Antéchrist ? « Car le mystère d’iniquité se forme », dit-il, « dès à présent ». (Id. 2,7) Eh quoi donc ? Il n’y aura aucun châtiment pour Néron ? aucun pour l’Antéchrist, aucun pour le démon ? Donc il y aura toujours l’Antéchrist, et toujours le démon : car ils ne se départiront pas de leur perversité, s’ils ne subissent pas de châtiment.
Eh bien ! oui, dira-t-on : Il y a un châtiment, il y a un enfer, ce sont des vérités manifestes, mais les infidèles seuls y tomberont. Pourquoi, je vous prie ? Parce que les fidèles, direz-vous, ont reconnu leur Maître et Seigneur. Que signifie cette raison ? Si leur vie est impure, ils subiront, par cette raison même, de plus sévères châtiments : « Tous ceux qui ont péché sans la foi, périront aussi sans la loi ; et tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi » (Rom. 11,12) ; et : « Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, ne l’aura pis accomplie, sera frappé de mille coups ». (Lc. 12,47) Si nous ne devons rendre aucun compte de notre vie, si ces paroles ont été dites au hasard, le démon ne subira pas de châtiment ; car il connaît le vrai Dieu, il est même mieux instruit, sur ce point, que beaucoup d’hommes : et tous les anges de l’enfer connaissent Dieu aussi, et ils frémissent à cause de lui, et ils le proclament leur juge. Donc s’il n’est exigé aucun compte de la vie qu’on a menée, des actions perverses, voilà que les démons seront sauvés, eux aussi. Non, non ; ne vous abusez pas, mes bien-aimés. S’il n’y a pas de géhenne, comment les apôtres jugeront-ils les douze tribus d’Israël ? Comment Paul dit-il : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Avec combien plus de raison jugeons-nous les choses de ce monde ? » (1Cor. 6,3) Comment le Christ a-t-il pu dire : « Les Ninivites s’élèveront au jour du jugement, et condamneront cette race ? » et : « Au jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement ? » (Mt. 12,41 ; 11,24) Qu’avez-vous donc à plaisanter où il y a si peu matière à plaisanterie ? Pourquoi vous trompez ; vous vous-mêmes ; pourquoi, ô homme, cherches-tu à en imposer à ton âme ? Pourquoi cette lutte contre la bonté de Dieu ? S’il a fait un enfer, s’il menace de nous y précipiter, c’est pour nous empêcher d’y tomber, c’est pour que la crainte nous rende meilleurs. De sorte que celui qui ne veut pas qu’on en parle, ne fait pas autre chose, sans le savoir, qu’entretenir l’erreur qui nous y pousse et nous y précipite. Gardez-vous donc de paralyser les mains de ceux qui se fatiguent pour la vertu, n’encouragez pas la nonchalance des endormis. Si la plus grande partie des hommes venait à être persuadée qu’il n’y a pas d’enfer, quand les verrait-on renoncer à la corruption ? Et où donc se montrerait la justice ? Je ne dis pas pour faire la distinction des pécheurs et des justes, mais pour séparer les pécheurs des pécheurs. Pourquoi tel a-t-il été puni ici-bas, pourquoi tel autre n’a-t-il pas été puni, quoiqu’il ait commis les mêmes péchés, ou des péchés beaucoup plus graves ? Comprenez bien que, s’il n’y a pas d’enfer, il est impossible de répondre aux accusations contre Dieu.
Aussi, je vous en conjure, mettez un terme