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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/495

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HOMÉLIE IX[1].

JE VOUS CONJURE DONC, MOI, CHARGÉ DE LIENS POUR LE SEIGNEUR, DE MARCHER D’UNE MANIÈRE DIGNE DE LA VOCATION A LAQUELLE VOUS AVEZ ÉTÉ APPELÉS, AVEC TOUTE HUMILITÉ ET TOUTE MANSUÉTUDE, AVEC TOUTE PATIENCE, VOUS SUPPORTANT MUTUELLEMENT EN CHARITÉ ; APPLIQUÉS A CONSERVER L’UNITÉ D’ESPRIT PAR LE LIEN DE LA PAIX. (IV, 1-3)

Analyse

  • 1-3. Éloge des tribulations. — De l’humilité.
  • 4. De la charité.

1. On a vu le pouvoir de la chaîne de Paul pouvoir immense, supérieur en éclat aux miracles. Ce n’est donc pas sans raison qu’il en parle en cet endroit : il ne voit pas de meilleur moyen pour faire rentrer en eux-mêmes ceux à qui il s’adresse. Que dit-il donc ? « Je vous conjure, moi, chargé de liens pour le Seigneur, de marcher d’une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés ». Comment cela ? « Avec toute humilité et toute mansuétude, vous supportant mutuellement en charité ». Ce qui est beau, ce n’est pas d’être chargé de liens, c’est d’être chargé de liens pour le Christ. Voilà pourquoi il dit : « Chargé de liens pour le Seigneur, c’est-à-dire pour le Christ ». Rien n’égale un tel sort. Mais voilà que cette chaîne nous écarte de plus en plus de notre sujet, nous entraîne, sans que nous ayons la force de résister ; mais nous nous laissons entraîner librement, volontairement ; et plût à Dieu que toujours il nous fût permis de parler de la chaîne de Paul ! Mais n’allez pas vous endormir : une nouvelle question surgit. Paul, faisant son apologie, dit à Agrippa : « Plaise à Dieu qu’il ne s’en faille ni peu ni beaucoup ; que non seulement vous, mais encore tous ceux qui m’écoutent, deveniez aujourd’hui tels que je suis moi-même, à l’exception de ces liens ! » (Act. 26,29) S’il parle ainsi, ce n’est pas qu’il regarde ses liens comme un juste objet d’effroi : à Dieu ne plaise ! En effet, s’il en jugeait ainsi, il ne se glorifierait point de ses chaînes, de ses captivités, de ses autres tribulations ; il n’écrirait point : « Je me glorifierai avec délices dans mes infirmités ». (2Cor. 12,9) Mais encore ? Ceci même est une preuve du cas qu’il faisait des chaînes. Ainsi que dans son épître aux Corinthiens, il disait : « Je vous ai donné du lait à boire, et non des aliments, car vous n’étiez pas encore en état » (1Cor. 3,2) ; de même ici il s’adresse à des gens incapables de comprendre la beauté, la magnificence, l’utilité des chaînes. Voilà pourquoi il dit : « À l’exception de ces liens ». Ce n’est pas ainsi qu’il parle aux Hébreux : loin de là, il les exhorte à se faire enchaîner avec ceux qui sont dans les fers. — Aussi lui-même se complaisait-il dans ses liens ; aussi se faisait-il enchaîner et conduire en prison avec les autres captifs. Grand est le pouvoir de la chaîne de Paul : c’est un spectacle qui vaut tous les autres, que de voir Paul enchaîné et tiré de sa prison. Le voir enchaîné et assis dans son cachot, n’est-ce pas une incomparable joie, un avantage inappréciable ?

Vous voyez, n’est-ce pas ? les monarques, les consuls, traînés sur des chars, tout couverts d’or, et comme eux, leurs satellites, avec des lances d’or, des boucliers d’or, des rênes

  1. L’édition d’Oxford nous a été utile pour la solution de plusieurs difficultés dans la traduction de cette homélie et des suivantes.