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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/554

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c’est la crainte qui convient à une femme libre : n’exigez pas une crainte servile. Votre femme est votre corps : lui manquer, c’est vous insulter vous-même, c’est profaner votre corps : De quelle crainte s’agit-il ? De la crainte qui prévient les contradictions, les révoltes, l’ambition du premier rang : c’est entre ces limites que la crainte doit se tenir. Si vous aimez comme il vous est prescrit, vous la renforcerez : ou plutôt, ce n’est plus par la crainte que vous agirez : car la tendresse elle-même a son efficacité. Ce sexe est un peu faible ; il a besoin de beaucoup d’aide, de beaucoup de condescendance. Mais que vont dire ceux qui convolent en secondes noces ? Je ne dis pas cela pour les condamner : A Dieu ne plaise ! puisque l’apôtre les absout : je condescends au contraire à leur faiblesse. Pourvoyez à tous les besoins de votre femme, ne négligez rien pour ses intérêts, n’épargnez pas votre peine : c’est un devoir impérieux. Paul, ici, ne juge pas à propos d’invoquer des exemples mondains, comme il fait souvent. Celui du Christ est assez grand, assez frappant pour lui suffire surtout en ce qui concerne la soumission. « Il laissera son père et sa mère ». Voilà qui est emprunté au monde. Mais il ne dit pas : Et habitera avec elle, il dit : « S’attachera à elle », marquant par là une complète union, une vive tendresse. Et il ne s’en tient pas là par ce qu’il ajoute, il représente la soumission sous de telles couleurs, que les deux ne paraissent plus qu’un. Il ne dit pas : En esprit ; il ne dit pas : En âme. C’est chose évidente, et possible à chacun ; il dit : De telle façon qu’ils ne forment qu’une chair.

6. La femme est elle-même une puissance investie d’autorité et d’égalité en beaucoup de choses ; néanmoins, l’homme a toujours une supériorité. Voilà la principale sauvegarde du ménage. Car si l’homme a reçu le rôle du Christ, ce n’est pas seulement pour aimer, mais encore pour instruire : « Afin qu’elle soit sainte et immaculée » ; tandis que ces mots : « Chair », « Il s’attachera », regardent l’obligation d’aimer. En effet, si vous savez rendre votre femme sainte et immaculée, tout le reste s’ensuit. Cherchez les choses de Dieu, et les choses humaines vous viendront d’elles-mêmes. Faites l’éducation de votre femme ; c’est par là que l’union s’établit dans le ménage. Écoutez plutôt ce que dit Paul : « Si elles veulent savoir quelque chose, qu’elles interrogent à la maison leurs propres maris ». (1Co. 14,35) Si nous administrons ainsi nos maisons, nous nous rendrons aptes à diriger aussi l’Église : car le ménage est une petite Église. C’est par là que maris et femmes peuvent surpasser tout le monde en vertu. Songez à Abraham, à Sara, à Isaac, à leurs trois cent dix-huit serviteurs ; rappelez-vous quelle union quelle piété régnaient dans toute leur maison. Sara sut remplir le précepte de l’apôtre, et craindre son mari ; c’est elle-même qui dit : « Il ne m’est pas arrivé jusqu’ici, et monseigneur est vieux ». (Gen. 18,12) Quant à Abraham, il l’aimait au point de céder à toutes ses prières. Leur fils était vertueux, leurs serviteurs eux-mêmes, dignes d’admiration ; eux, qui ne craignirent point de partager les périls de leur maître, qui s’y associèrent sans hésitation, sans vaine excuse : que dis-je, l’un d’eux, le principal, était si accompli, qu’Abraham lui confia le soin de marier son fils unique, et le fit voyager à l’étranger. Quand un général a fortement organisé son armée, aucun ennemi n’ose l’attaquer : il en est de même ici ; lorsque femme, enfants, serviteurs, concourent au même but, une parfaite concorde règne dans le ménage ; au contraire, s’il n’en est pas ainsi, un mauvais serviteur suffit souvent pour tout ruiner, tout perdre ; et ce désastre général est l’œuvre d’un seul homme. Veillons donc avec grand soin sur nos femmes, nos enfants, nos serviteurs, bien convaincus que nous faciliterons par là l’exercice de notre autorité, et que nos comptes en deviendront plus légers, plus faciles à rendre, que nous pourrons dire : « Me voici avec les enfants que Dieu m’a donnés ». (Isa. 8,18) Si l’homme est accompli, si le chef est irréprochable, le reste du corps résistera à toutes les atteintes.

Ainsi donc, Paul nous instruit à merveille des obligations de la femme et de celles du mari : à la femme, il prescrit de craindre son mari, comme son chef ; à l’homme, d’aimer sa femme, parce qu’elle est sa femme. – Mais comment arriver là ? dira-t-on. – Paul a dit quel est le devoir : les moyens d’accomplir ce devoir, je vais vous les indiquer. Il faut mépriser les richesses, ne songer qu’à une chose, la vertu, et avoir la crainte de Dieu devant les yeux. – Ici s’applique tout aussi bien ce qui est dit au sujet des serviteurs : « Ce que chacun