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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/560

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renferme. Les précédents ne proposent aucune récompense, attendu qu’ils ne regardent que des fautes à éviter ; mais une récompense est attachée à celui-ci, comme prescrivant de bonnes œuvres. Et voyez quel merveilleux fondement assigné à la vertu, que le respect des parents ! Rien de plus naturel. Quand le législateur nous a détournés des mauvaises actions, il commence par nous acheminer aux bonnes, par ce précepte du respect filial, attendu qu’après Dieu c’est à nos parents que nous devons la vie. C’est donc à bon droit qu’ils recueilleront les prémices de nos vertus : les autres hommes ne doivent venir qu’après. Quiconque manque à ce premier devoir, ne saura jamais se bien conduire vis-à-vis des étrangers. Après avoir ainsi indiqué aux enfants leurs obligations, Paul arrive aux parents, et dit : « Et vous, pères, ne provoquez point vos enfants à la colère, mais élevez-les dans la discipline et la correction du Seigneur (4) ».

Il ne dit pas : Aimez-les : cette prescription serait superflue ; la nature parle assez haut, quelle que soit d’ailleurs la volonté. Que dit-il donc ? « Ne provoquez point vos enfants à la colère », comme font tant d’hommes qui déshéritent les leurs, les renient, les oppriment, les traitent enfin en esclaves, et non en hommes libres. De là ce précepte : « Ne provoquez point vos enfants à la colère ». Ensuite, ce qui est l’essentiel, il montre à quelles conditions ils seront obéissants, faisant tout dépendre de leurs chefs, de leurs maîtres. Tout à l’heure il montrait que la soumission de la femme est l’œuvre du mari ; et c’est même pour cela qu’il s’adresse surtout au mari, l’exhortant à se concilier sa femme par l’empire de la tendresse. De même ici il ramène tout encore au même principe, en disant : « Mais élevez-les dans la discipline et dans la correction du Seigneur ». Voyez-vous comme les biens charnels viennent s’ajouter aux biens spirituels une fois acquis ? Vous voulez rendre votre fils obéissant ? Commencez par l’élever dans la discipline et la correction du Seigneur : ne croyez pas inutile de lui faire entendre les saintes Écritures ; car voici tout d’abord l’enseignement qu’il en recevra : « Honore ton père et ta mère ». Vous ne ferez donc qu’agir dans votre intérêt. Ne dites pas : C’est bon pour des moines ; est-ce que j’en veux faire un moine ? Il n’est pas nécessaire qu’il devienne moine. Pourquoi craindre ce qui est si profitable ? Faites-en un chrétien. C’est surtout aux mondains qu’il importe de se pénétrer de ces leçons, surtout aux enfants : car l’étourderie est grande à cet âge, et cette étourderie est renforcée encore par l’influence des écrits profanes ; lorsqu’ils y voient ceux que les païens vénèrent comme des héros, esclaves de leurs passions ou tremblants devant la mort ; par exemple, un Achille repentant, mourant pour sa concubine[1]; tel autre qui s’enivre ; que sais-je encore ? Ce n’est donc pas trop des remèdes dont je parle.

2. N’est-il pas absurde, quand nous avons soin d’envoyer nos enfants à l’école, de les mettre en apprentissage, quand nous ne négligeons rien pour cela, de ne pas les élever dans la discipline et la correction du Seigneur ? Aussi sommes-nous les premiers à recueillir les fruits de cette éducation, et nous avons des fils présomptueux, intempérants, indociles, grossiers. Croyez-moi, procédons autrement, et, suivant l’avis de l’apôtre, instruisons-les dans la science du Seigneur. Donnons-leur l’exemple, et que, dès l’âge le plus tendre, ils lisent, ils étudient les divines Écritures. Hélas ! à force de vous répéter cela, je vous parais radoter. N’importe, je ne cesserai d’accomplir mon œuvre. Pour quelle raison, dites-moi, n’imitez-vous pas les anciens ? Vous surtout, femmes, imitez les femmes admirables de ce temps. Vous avez mis au jour un enfant ? Suivez l’exemple d’Anne : Voyez ce qu’elle fit tout d’abord : elle le conduisit au temple. Qui de vous ne préférerait pas mille fois à une domination exercée sur le monde entier le bonheur d’avoir en son fils un second Samuel ? Et comment faire, dira-t-on, pour le rendre tel ? Pourquoi serait-ce impossible ? Le seul obstacle, c’est que vous ne le voulez pas, que vous ne le remettez pas en des mains capables d’en faire un autre Samuel. Et qui le pourrait ? direz-vous. Dieu : c’est à Dieu qu’Anne confia son fils. Car Héli lui-même n’était pas des plus aptes à cette éducation, puisqu’il ne put pas la donner à ses propres fils ; mais ce qu’il n’avait pu faire, la foi d’une femme, son zèle, l’opéra. C’était son premier, son unique enfant, elle ignorait si elle en aurait

  1. Ce qu’il y a d’obscur ou d’inexact dans ces allusions peut provenir d’une altération de texte, tout aussi bien que d’une ignorance réelle ou feinte.