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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/237

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Et nous en verrons bientôt un autre élever la voix du milieu d’une assemblée silencieuse, pour faire à contre-temps cette question à Jésus-Christ : « Maître, quel est le premier commandement de la loi ? » (Mt. 22,36) Cependant Jésus-Christ ne le reprit point, de cette liberté indiscrète, pour nous apprendre à souffrir nous-mêmes l’importunité de ces personnes.
Nous voyons aussi qu’il ne reprend pas ouvertement ceux qui s’approchent de lui avec une mauvaise volonté. Il se contente de répondre à leurs pensées, d’une manière qui leur fait assez connaître qu’il voit et qu’il condamne le fond de leur cœur. Ainsi il leur procure un double avantage : premièrement il leur fait connaître qu’il pénètre le secret de leurs pensées ; ensuite il épargne leur pudeur, en ne découvrant point aux autres leur vanité qu’ils tiennent cachée, et leur donnant lieu néanmoins, s’ils le veulent, de s’en corriger eux-mêmes.
On peut voir ici un bel exemple de cette sage conduite. Car cet homme voyant les grands miracles que faisait le Fils de Dieu, et que tout le monde venait à lui, crut que c’était là un excellent moyen pour s’enrichir. C’est ce qui lui inspira le désir de le suivre. La réponse du Sauveur est une preuve de ce que je dis. Car il répond moins aux paroles de cet homme, qu’à la pensée de, son cœur. Vous vous imaginez, dit-il, que vous amasserez beaucoup d’argent en me suivant ; et vous ne voyez pas que je n’ai pas seulement comme les oiseaux un petit abri pour me retirer. « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête (20). » Il ne rejetait pas ce disciple en lui parlant de la sorte. Il reprenait seulement son désir secret, et lui laissait la liberté de le suivre, s’il voulait vivre aussi pauvrement que lui. Voyez la mauvaise disposition de cet homme, jugez-en par sa conduite ; lorsqu’il a entendu ces paroles, et qu’il s’est senti pénétré et, condamné, il se garde bien de dire : je suis tout prêt à vous suivre.
3. Jésus-Christ a souvent usé de cette même conduite. Il ne reprochait point ouvertement leurs crimes à ceux qui lui parlaient ; mais il leur faisait connaître par ses réponses quel était le fond de leur cœur. C’est ainsi qu’il agit envers cet homme qui l’appelait « bon Maître », et qui espérait par cette flatterie de se le rendre favorable. Il lui répondit selon la pensée qu’il lui voyait dans le cœur : « Pourquoi », dit-il, « m’appelez-vous bon, puisqu’il n’y a personne de bon que Dieu seul ? » (Mt. 12) C’est ainsi qu’il se conduisit encore lorsque le peuple lui dit : « Voilà votre mère et vos frères qui vous cherchent. » (Mc. 3) Comme alors ses parente agissaient humainement, et qu’ils demandaient à approcher de lui, moins pour apprendre quelque chose d’utile, que pour montrer qu’ils étaient ses proches, et tirer gloire de cet avantage, voici ce qu’il leur répondit : « Qui est ma mère, ou qui sont mes frères ? » et le reste. Il traite encore ses parents de même, lorsque, pour satisfaire leur vanité, ils le portaient à s’acquérir de la réputation en lui disant : « Faites-vous connaître au monde. Votre temps, leur dit-il, est toujours prêt, mais le mien ne l’est pas encore. » (Jn. 7,6)
Il répond aussi à la pensée du cœur, mais pour l’approuver et non pour la reprendre, lorsqu’il dit de Nathanaël : « Voilà un véritable israélite, en qui il n’y a point de tromperie. » (Jn. 1,46) Lorsqu’il dit aux disciples de saint Jean : « Allez et dites à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu (Lc. 7,9) », il ne répondait pas tant à ceux qui l’interrogeaient, qu’à la pensée de celui qui lui envoyait faire cette demande.
Jésus-Christ de plus a répondu à la pensée du peuple, lorsqu’il dit aux Juifs : « Qu’Êtes-vous allés voir dans le désert ? » Comme il voyait que dans leur pensée Jean n’était qu’un homme versatile et inconstant, c’est ce sentiment qu’il réfute et corrige en disant : « Qu’Êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité du vent ? ou un homme vêtu d’étoffes délicates ? » montrant par là que l’âme de ce saint avait toujours été ferme et qu’aucune volupté n’avait pu l’amollir. C’est donc de cette même manière que Jésus-Christ répond en cet endroit, non aux paroles, mais à la pensée de cet homme qui le voulait suivre. Et considérez, avec quelle modestie il lui répond ! Il ne lui dit point : J’ai ; mais : Je méprise ; il dit simplement : Je n’ai pas, parole aussi exacte que pleine de condescendance. Et de même, lorsqu’il mangeait et buvait avec les Juifs et qu’il menait une vie qui semblait toute contraire à celle de saint Jean,