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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/221

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montre une âme écumante, impure, aux yeux égarés ? Pensez aux hommes emportés par la colère et enivrés par la fureur ; ne lancent-ils pas des paroles plus impures que n’importe quelle écume ? Ils vomissent la puanteur et l’ordure. De même que les démoniaques, ils ne connaissent plus personne. Leur esprit est dans les ténèbres, leurs yeux sont renversés, ils ne distinguent plus ni amis ni ennemis, ni ce qui est respectable ni ce qui ne l’est pas ; ils voient tout à la fois sans rien distinguer. Ne les voyez-vous pas trembler comme les démoniaques ? – Mais ils ne tombent pas par terre ? Mais leur âme se jette par terre et tombe en se débattant dans l’agonie. Si elle se tenait comme il convient, la verrait-on dans cet état ? Est-ce qu’il ne semble pas que les actions et les paroles de ces hommes enivrés par la colère soient le fait d’une âme avilie, ayant perdu sa liberté d’action. Il est encore une autre sorte de fureur plus grave que celle-là. Laquelle donc ? – Lorsqu’on ne laisse pas la colère s’étendre, et qu’on nourrit en soi le souvenir du mal comme un bourreau domestique. Cette passion de la rancune perd d’abord ceux qui s’y livrent, pour ne pas parler de ce qu’elle cause dans l’avenir. Que pensez-vous que doive être le tourment d’un homme blessé jusqu’au fond de l’âme, examinant chaque jour comment il se vengera de son ennemi ? Cet homme se punit le premier et se châtie en s’excitant, se combattant et s’enflammant lui-même. Sans cesse le feu brûle en vous ; vous allumez la fièvre, vous attisez ce feu pour ne pas le laisser s’éteindre ; et vous pensez à faire du mal à votre ennemi, tandis que vous vous consumez vous-même en portant continuellement en vous cette flamme ardente, et en ne permettant pas à votre âme de se reposer ; Tous êtes comme une bête farouche, et votre esprit est plein de trouble et de tempêtes.
5. Que peut-il y avoir de plus funeste que cette fureur qui plonge dans un chagrin, une irritation et une ardeur perpétuelles ? Telles sont les âmes de ceux que tourmente la rancune. Sitôt qu’ils voient ceux dont ils veulent se venger, ils sont bouleversés ; sitôt qu’ils entendent la voix de leur ennemi, ils sont comme abattus, ils tremblent ; dans leur lit, ils se représentent mille sortes de vengeances, ils pendent leur ennemi, le tourmentent en esprit de mille manières ; mais s’ils le voient fleurir et prospérer, oh ! quel affreux supplice ! Pardonnez à votre ennemi, et arrachez-vous à ces tortures. Pourquoi vous condamner à un supplice qui n’a pas de fin pour né volis venger et né le punir qu’une seule fois ? Pourquoi vous plonger ainsi vous-même dans une langueur continue ? Pourquoi retenir ainsi dans la contrainte votre cœur qui aspire à la liberté ? Que votre haine ne dure pas jusqu’au soir » (Eph. 4,26), dit Paul. Comme la consomption ou un ver rongeur, elle dévore la racine de notre âme. Pourquoi enfermez-vous une bête féroce dans vos entrailles ? Mieux vaudrait avoir dans le cœur un serpent, une vipère, que la colère et la rancune ; ces reptiles eussent été promptement chassés ; mais la haine demeure toujours, elle s’attache aux dents, insère le poison et produit une armée de fâcheuses pensées. Mais j’agis ainsi, dit-on, pour que mon ennemi ne se moque pas de moi et ne me méprise pas. – O homme malheureux, homme infortuné, vous ne voulez pas être la risée de votre compagnon d’esclavage, mais vous consentez à être l’objet de la haine de votre Seigneur ! Vous ne voulez pas être méprisé par votre compagnon d’infortune, mais vous méprisez le Seigneur ! Vous ne pouvez supporter que cet homme vous méprise ; doutez-vous que Dieu ne s’indigne aussi lorsque vous vous riez de lui, que vous le méprisez et que vous ne voulez pas lui obéir ? Ce qui montre que cet homme ne vous tournera pas en risée, le voici : Si vous vous vengez, ce sera pour vous une source de risée et de mépris, car la vengeance est le fait de la petitesse d’esprit ; si au contraire vous pardonnez, vous exciterez l’admiration ; car pardonner est le fait d’un grand cœur. Mais mon ennemi ne le saura pas, dit-on. Que Dieu le sache, il suffit, pour que vous obteniez une plus ample récompense. « Prêtez », est-il dit, « à ceux de qui vous n’espérez rien recevoir ». Ainsi faisons le bien à ceux qui ne s’en aperçoivent, pour qu’ils ne diminuent pas notre récompense en nous louant ou en nous récompensant de quelqu’autre manière. Moins nous aurons reçu des hommes, plus nous recevrons de Dieu.
Quoi de plus digne de risée, quoi de plus absurde qu’une âme toujours enflammée par la colère, et désireuse de se venger ? C’est un projet de femme et d’enfant. Une femme s’irrite même contre les choses inanimées, et pour passer sa colère, elle frappera jusqu’au