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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/226

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Providence qu’il l’a prédit par avance, afin que les disciples ne se troublent pas. Ils ne voulaient pas qu’il lui arrivât le moindre accident. « Quelques-uns des Asiarques le suppliaient », dit l’auteur ; « de ne pas entrer au théâtre ». Voyant son ardeur, ils le suppliaient. Et pourquoi, direz-vous, Alexandre voulut-il se justifier devant le peuple ? Était-il accusé lui-même ? Afin de trouver une occasion de tout bouleverser et d’exciter la fureur populaire. Vous avez vu l’emportement tumultueux des Éphésiens ? C’est donc avec raison que le scribe leur dit, sous forme de reproche : « Quel homme ne sait que la cité d’Éphèse ». Il parle tout de suite de l’objet de leurs craintes. C’est comme s’il leur disait N’honorez-vous pas la déesse ? Il ne dit pas : Quel homme ne connaît pas Diane ? Mais « notre cité », afin de les flatter. « Comme cela est incontestable, il faut vous calmer ». Leur faire ce reproche, c’est presque leur dire Pourquoi vous inquiétez-vous donc comme si cela était incertain ? Il est clair que l’insulte retombe sur la déesse lis voulaient que la religion assurât leur gain. Il les prend ensuite par la douceur, en leur montrant qu’ils se sont rassemblés sans raison. « Et rien », leur dit-il, « ne doit se faire témérairement ». Il leur parle ainsi pour leur montrer qu’ils ont agi étourdiment. « Si donc Démétrius et ceux qui sont avec lui ont quelque sujet de plainte, il y a des proconsuls ». Il leur dit cela en forme de reproche, pour indiquer qu’il ne fallait pas faire une assemblée publique pour des crimes privés. « Car nous sommes exposés à nous entendre reprocher » : Par là, il les jette dans l’embarras. « Puisqu’il n’y a pas de motif par lequel nous puissions rendre raison de cette émeute ». Voyez avec quelle prudence et quelle sagesse les infidèles raisonnent eux-mêmes. Il calma ainsi leur fureur. Aussi facilement elle avait été allumée, aussi facilement elle s’éteignit. « Par ces paroles, il dissout l’assemblée », dit l’auteur. Remarquez-vous comment Dieu permet les épreuves, et par elles réveille les disciples et les rend plus fervents ? Ne nous laissons donc pas abattre par les afflictions, car Dieu nous donnera le moyen de les supporter.
Rien ne fait naître et ne fortifie l’amitié comme la tribulation. Rien ne relie et ne resserre si bien les âmes fidèles ; rien ne nous est plus utile, à nous docteurs, pour que l’on écoute nos paroles. L’auditeur, qui demeure dans la tranquillité, est mou et négligent ; il semble supporter péniblement l’orateur ; dans la tribulation et l’angoisse, au contraire, il désire ardemment qu’on lui parle. Celui dont l’esprit est, dans la peine, cherche partout ce qui le console dans son affliction, et la parole procure une grande consolation : Pourquoi donc, direz-vous, les Juifs n’écoutaient-ils pas lorsqu’ils étaient dans l’affliction ? Parce qu’ils étaient Juifs, toujours faibles et misérables ; d’ailleurs, parce que leur affliction était extrême, et nous ne parlons que d’une affliction ordinaire. Remarquons donc ceci : les Juifs s’attendaient à être délivrés de leurs maux actuels, et ils se précipitèrent dans mille nouveaux malheurs. Cela ne jette pas l’âme dans un chagrin médiocre. Les tribulations nous détachent violemment de l’affection pour le monde d’ici-bas ; nous désirons bien vite la mort ; nous ne sommes plus amoureux de notre corps. Et c’est une grande partie de la philosophie de ne plus se complaire dans la vie présente et de n’y être plus attaché. L’âme affligée ne cherche pas à s’attacher à toutes choses, elle n’aime plus que le calme et le repos ; elle ne souhaite que d’être arrachée à la vie présente, quand même il n’y aurait rien à espérer après. De même qu’un corps fatigué et accablé de maux ne veut plus servir le ventre, triais se reposer et vivre dans la tranquillité ; de même l’âme affligée de mille maux, aspire au calme et à la paix ; celle qui ne connaît pas la peine, est stupide, troublée, indécise ; celle-là ne s’ébahit de rien, elle est étrangère aux molles voluptés ; toujours recueillie en elle-même, elle ne se laisse point emporter à tous les vents. L’une est plus virile, l’autre plus puérile ; celle-là est plus grave, celle-ci plus légère. Lorsqu’un corps tombe dans une eau profonde, s’il est léger, il surnage ; il en est de même d’une âme tout à coup plongée dans une grande joie. Tout le monde sait que nos plus grandes fautes sont causées par l’entraînement du plaisir.
Si vous le voulez, faisons la description de deux maisons : l’une où l’on fait des noces, l’autre où l’on est dans le deuil. Entrons par la pensée dans toutes les deux, et voyons quelle est la meilleure. Nous trouverons celle où l’on pleure pleine de sagesse, l’autre où l’on fait des noces est pleine d’inconvenances. Regardez en effet : là se profèrent des paroles honteuses,