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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/506

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leurs lettres tous les jours, se trompent souvent, quand on les leur demande sans suite, et disent une lettre pour une autre, provoquant ainsi mille éclats de rire ; vous faites de même, quand nous vous exposons la suite de ces vérités ; vous les apprenez tant bien que mal ; mais lorsqu’il nous arrive de volis interroger au-dehors, sans suivre l’ordre ; quand nous vous demandons quel est le premier des biens, quel est le second, que faut-il mettre après tout le reste ? Votre ignorance se révèle, d’une manière ridicule. N’est-ce pas, je vous le demande, le comble du ridicule, pour nous qui attendons l’immortalité, les biens que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, qui ne sont pas entrés dans le cœur de l’homme, de faire effort, pour nous assurer des choses d’ici-bas, et de les regarder comme dignes de notre envie ? Si vous avez encore besoin d’apprendre que les richesses ne sont rien, que les choses présentes ne sont qu’une ombre et un songe, qu’elles se dissipent comme la fumée, qu’elles s’envolent, restez à la porte ; tenez-vous dans les vestibules, vous n’êtes pas encore dignes d’entrer dans le palais du souverain. Si vous ne savez pas encore distinguer ce qu’il y a d’instable, ce qu’il y a là-dedans de perpétuel va-et-vient, quand donc arriverez-vous au mépris des richesses ? Si vous prétendez posséder cette science, cessez alors de vous informer avec une curiosité inquiète, de demander pourquoi, celui-ci est-il riche, pourquoi cet autre est-il pauvre ?
Vous ressemblez, par vos questions, à celui qui se promènerait en demandant : pourquoi celui-ci est-il blanc, pourquoi cet autre est-il noir ; pourquoi ce nez aquilin, pourquoi ce nez camard ? De même que cela ne nous intéresse en rien, de même que nous importe que tel soit pauvre ou soit riche ? Bien plus, cela nous intéresse bien moins que ce que nous venons de dire ; tout doit se rapporter à l’usage que l’on en fait ; quoique pauvre, vous pouvez montrer une âme belle et sage ; quoique riche, vous êtes le plus malheureux de tous si vous fuyez la vertu ; car ce que nous devons rechercher, c’est ce qui porte à la vertu. Si nous avons ces ressources, les autres ne nous servent de rien. Aussi, ces questions perpétuelles, qui prouvent que tant de gens s’intéressent à ce qui est indifférent, et ne tiennent aucun compte de ce qui les regarde, sont-elles des questions insensées ; ce qui nous regarde, c’est la vertu et la sagesse. Un long intervalle vous en sépare ; de là, la perturbation dans les pensées ; de là, les flots des passions ; de là, les tempêtes. Déchu de la gloire suprême, de l’amour du ciel, ne désirant plus que la gloire présente, on est esclave et prisonnier. D’où vient, dira-t-on, notre amour pour la gloire de ce monde ? de notre indifférence pour la gloire du ciel ? Et cette indifférence même d’où vient-elle ? de notre négligence. Et notre négligence ? de notre mépris. Et notre mépris ? de la déraison, qui fait que nous nous attachons au présent, que nous ne nous appliquons pas à examiner la nature des choses. Cette déraison même, d’où vient-elle ? de ce que nous ne nous attachons pas à la lecture des livres saints ; de ce que nous ne conversons pas avec les saints ; de ce que nous fréquentons les réunions des méchants. Mettons un terme à ce désordre : ne souffrons pas que les flots, poussant les flots, nous emportent dans une mer de malheurs, nous étouffent, nous arrachent toute vie ; il en est temps encore, réveillons-nous, et, debout sur le roc, je dis le roc de la doctrine et de la parole de Dieu, abaissons nos regards sur la tempête de la vie présente. C’est ainsi que nous l’éviterons nous-mêmes, et que nous sauverons les autres du naufrage, parla grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, en union avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. ==