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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/69

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propres à faire rougir. Ensuite, l’Écriture elle-même dit à notre honte : « Les païens n’en font-ils pas autant ? » (Mt. 5,47) Le prophète Jérémie nous montre les enfants de Rachel refusant de transgresser la loi de leur père. Marie dit du mal de Moïse ; mais aussitôt Moïse prie pour faire cesser son châtiment et ne veut pas même qu’on sache qu’il a été vengé. Ce n’est pas ainsi que nous agissons nous voulons surtout qu’on sache que l’injure que nous avons reçue n’est pas restée impunie. Jusqu’à quand n’aurons-nous que des pensées terrestres ? Tout combat suppose deux parties. Si vous tirez des deux côtés les hommes qui sont en fureur, vous les irritez davantage ; si vous les tirez à gauche ou à droite, vous calmez leurs transports. Si celui qui frappe rencontre un homme impatient, il en devient plus emporté ; s’il rencontre un homme qui lui cède, il se calme plus tôt et les coups retombent sur lui. Car un adversaire exercé à toutes sortes de combats ne triomphe pas aussi facilement de son antagoniste que l’homme qui se laisse injurier sans répondre. Alors l’insulteur se retire couvert de honte et condamné d’abord par sa conscience, puis par tous les témoins. C’est un proverbe que : qui honore, s’honore ; donc aussi : qui injurie, s’injurie.
Personne, je le répète, ne pourra nous nuire, si nous ne nous nuisons nous-mêmes ; personne ne m’appauvrira, si je ne m’appauvris le premier. Examinons un peu, je vous prie : J’ai l’âme pauvre, et tout le monde s’épuise en dons pour moi : à quoi cela me sert-il ? Tant que mon âme ne sera pas changée, c’est parfaitement inutile. Que j’aie l’âme grande, au contraire, et que tout le monde m’enlève ce que je possède : je n’ai rien perdu. Que je mène une vie impure et que tout le monde dise le contraire : quel profit en tiré-je ? On dit, mais on ne croit pas. Au contraire, que ma vie soit pure et que tout le monde dise le contraire : qu’importe ? Leur propre conscience les condamne ; ils ne croient point ce qu’ils disent. Il ne faut donc admettre ni l’éloge ni le blâme. Et pourquoi dis-je cela ? Parce que, si nous le voulons, personne ne pourra nous tendre des embûches, ni nous envelopper dans une accusation. Examinons encore : Quelqu’un est traîné devant un tribunal, calomnié, si vous le voulez même, condamné à mort : Eh bien ! qu’est-ce que ces souffrances d’un moment, quand on est innocent ? Mais c’est là qu’est le mal, direz-vous. Et moi je dis que c’est là le bien : souffrir innocemment. Quoi ! voudriez-vous qu’on fût coupable ? Encore un mot : Un philosophe païen ayant appris qu’un tel était mort, et un de ses disciples disant : Hélas ! et il est mort innocent ; le philosophe se retourna et lui dit voudriez-vous qu’il fût mort coupable ? Et Jean n’est-il pas mort injustement ? Lequel plaignez-vous le plus de celui qui meurt coupable ou de celui qui meurt innocent ? N’appelez-vous pas l’un malheureux, et n’admirez-vous pas l’autre ? En quoi la mort nuit-elle à celui qui y fait un profit immense loin d’y rien perdre ? Si elle rendait mortel un être immortel, peut-être lui ferait-elle tort : mais si elle ne fait que tirer avec gloire de cette vie un homme mortel et qui, d’après la loi de sa nature, devait bientôt mourir ; où est le dommage ? Que notre âme soit en règle et rien du dehors ne pourra lui nuire. Mais vous n’êtes pas dans la gloire ? Qu’importe ? Il en est de la gloire comme des richesses. Si j’ai l’âme grande, je n’ai besoin de rien ; si je suis avide de vaine gloire, plus j’acquerrai, plus j’aurai besoin. Mais si je méprise la gloire, je deviendrai plus éclatant et plus glorieux. Puisque nous savons cela, rendons grâces au Christ, notre Dieu, qui nous a accordé une telle vie et embrassons-la pour sa gloire : car c’est à lui qu’appartient la gloire, avec le Père qui n’a pas de commencement, et son Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.