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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/113

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hommes qui habitent en une region de la Floride, pres la riviere des Palmes, lesquels (comme quelqu’un escrit) sont si forts et legers du pied qu’ils acconsuyvent un cerf, et courent tout un jour sans se reposer : qu’autres grands Geans qui sont vers le fleuve de la Plate, lesquels aussi (dit le mesme aucteur) sont si dispos, qu’à la course et avec les mains ils prennent certains chevreux qui se trouvent là. Mais mettant la bride sur le col et laschant la lesse à tous ces coursiers et chiens courans à deux pieds, pour les laisser aller viste comme le vent, et quelquefois aussi (comme il est vraysemblable en cullebutant prenant de belles nazardes) tomber dru comme la pluye, les uns en trois endroits de l’Amerique (eslongnez neantmoins l’un de l’autre, nommément ceux d’aupres de la Plate et de la Floride de plus de quinze cens lieues) et les quatriemes parmi nostre Europe, je passeray outre au fil de mon histoire.

Apres donc que nous eusmes costoyé et laissé derriere nous la terre de ces Ouetacas, nous passasmes à la veuë d’un autre pays prochain nommé Maq-Hé, habité d’autres sauvages, desquels je ne diray autre chose : sinon que pour les causes susdites chacun peut estimer qu’ils n’ont pas feste (comme on dit communément) ni n’ont garde de s’endormir aupres de tels brusques et fretillans resveille matin de voisins qu’ils ont.

En leur terre et sur le bord de la mer on void une grosse roche faite en forme de tour, laquelle quand le soleil frappe dessus, tresluit et estincelle si tres-fort, qu’aucuns pensent que ce soit une sorte d’Esmeraude : et de faict, les François et Portugallois qui voyagent là, l’appellent l’Esmeraude de Maq-Hé. Toutesfois comme ils disent que le lieu où elle est, pour estre environnée d’une infinité de pointes de rochers à fleur d’eau, qui