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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/144

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que parce que outre les raisons susdites, la France et autres pays estans abruvez que nous estions allez par-dela pour y vivre selon la reformation de l’Evangile, craignans de mettre quelque tache sur iceluy, nous aimasmes mieux en obtemperant à Villegagnon et sans contester davantage, luy quitter la place. Ainsi, apres que nous eusmes demeuré environ huict mois en ceste isle et fort de Coligny, lequel nous avions aidé à bastir, nous nous retirasmes et passasmes en terre ferme, en laquelle, en attendant qu’un navire du Havre de Grace qui estoit là venu pour charger du Bresil (au maistre duquel nous marchandasmes de nous repasser en France) fust prest à partir, nous demeurasmes deux mois. Nous nous accommodasmes sur le rivage de la mer à costé gauche, en entrant dans ceste riviere de Ganabara, au lieu dit par les François la Briqueterie, lequel n’est qu’à demie lieuë du fort. Et comme de là nous allions, venions, frequentions, mangions et beuvions parmi les sauvages (lesquels sans comparaison nous furent plus humains que celuy lequel, sans luy avoir meffait, ne nous peut souffrir avec luy), aussi eux, de leur part, nous apportans des vivres et autres choses dont nous avions affaire, nous y venoyent souvent visiter. Or, ayant sommairement descrit en ce chapitre l’inconstance et variation que j’ay cognue en Villegagnon en matiere de Religion : le traitement qu’il nous fit sous pretexte d’icelle ses disputes et l’occasion qu’il print pour se destourner de l’Evangile : ses gestes et propos ordinaires en ce pays-là, l’inhumanité dont il usoit envers ses gens, et comme il estoit magistralement equippé : reservant à dire, quand je seray en nostre embarquement pour le retour, tant le congé qu’il nous bailla, que la trahison dont il usa envers nous à nostre