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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/157

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esgard à cela : car, combien que je ne m’en sois point autrement enquis, j’ay plustost opinion que c’est pour cacher quelque infirmité qu’ils peuvent avoir en leur vieillesse en ceste partie-là.

Outreplus, ils ont ceste coustume, que dés l’enfance de tous les garçons, la levre de dessous au dessus du menton, leur estant percée, chascun y porte ordinairement dans le trou un certain os bien poli, aussi blanc qu’yvoire, fait presque de la façon d’une de ces petites quilles de quoy on jouë par deçà sur la table avec la pirouette : tellement que le bout pointu sortant un pouce ou deux doigts en dehors, cela est retenu par un arrest entre les gencives et la levre, et l’ostent et remettent quand bon leur semble. Mais ne portans ce poinçon d’os blanc qu’en leur adolescence, quand ils sont grans, et qu’on les appelle conomioüassou (c’est à dire gros ou grand garçon), au lieu d’iceluy ils appliquent et enchassent au pertuis de leurs levres une pierre verte (espece de fausse esmeraude), laquelle aussi retenue d’un arrest par le dedans, paroist par le dehors, de la rondeur et largeur et deux fois plus espesse qu’un teston : voire il y en a qui en portent d’aussi longue et ronde que le doigt : de laquelle derniere façon j’en avois apporté une en France. Que si au reste quelques fois quand ces pierres sont ostées, nos Toüoupinambaoults pour leur plaisir font passer leurs langues par ceste fente de la levre, estans lors advis à ceux qui les regardent qu’ils ayent deux bouches : je vous laisse à penser, s’il les fait bon voir de ceste façon, et si cela les difforme ou non. Joint, qu’outre cela j’ay veu des hommes, lesquels ne se contentans pas seulement de porter de ces pierres vertes à leurs levres, en avoyent aussi aux deux joues, lesquelles semblablement ils s’estoyent fait percer pour cest effect.