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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/183

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centeine, seront tous vuydes, et qu’il n’y restera plus une seule goutte de caou-in dedans. Et de fait je les ay veu, non seulement trois jours et trois nuicts sans cesser de boire : mais aussi apres qu’ils estoyent si saouls et si yvres qu’ils n’en pouvoyent plus (d’autant que quitter le jeu eust esté pour estre reputé effeminé, et plus que schelm entre les Alemans) quand ils avoyent rendus leur gorge, c’estoit à recommencer plus belle que devant.

Et, ce qui est encor plus estrange et à remarquer entre nos Toüoupinambaoults est, que comme ils ne mangent nullement durant leurs beuveries, aussi quand ils mangent ils ne boyvent point parmi leur repas : tellement que nous voyans entremesler l’un parmi l’autre, ils trouvoyent nostre façon fort estrange. Que si on dit là dessus, Ils font doncques comme les chevaux ? la response à cela d’un quidam joyeux de nostre compagnie estoit, que pour le moins, outre qu’il ne les faut point brider ny mener à la riviere pour boire, encor sont-ils hors des dangers de rompre leurs croupieres.

Cependant il faut noter qu’encores qu’ils n’observent pas les heures pour disner, souper, ou collationner, comme on fait en ces pays par deçà, mesmes qu’ils ne facent point de difficulté, s’ils ont faim, de manger aussi tost à minuict qu’à midi : neantmoins ne mangeans jamais qu’ils n’ayent appetit, on peut dire qu’ils sont aussi sobres en leur manger, qu’excessifs en leur boire. Comme aussi quelques uns ont ceste honneste coustume, de se laver les mains et la bouche avant et apres le repas : ce que toutesfois je croy qu’ils font pour l’esgard de la bouche, parce qu’autrement ils l’auroyent tousjours pasteuse de ces farines faites de racines et de mil, desquelles j’ay dit qu’elles