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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/200

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son serviteur Fripelipes parlant à un nommé Sagon qui l’avoit blasmé, il dit ainsi,


Combien que Sagon soit un mot
Et le nom d’un petit marmot.


Or combien que je confesse (nonobstant ma curiosité) n’avoir point si bien remarqué tous les animaux de ceste terre d’Amerique que je desirerois, si est-ce neantmoins que pour y mettre fin j’en veux encor descrire deux, lesquels sur tous les autres sont de forme estrange et bigerre.

Le plus gros que les sauvages appellent Hay, est de la grandeur d’un gros chien barbet, et a la face ainsi que la guenon, approchante de celle de l’homme, le ventre pendant comme celuy d’une truye pleine de cochons, le poil gris enfumé ainsi que laine de mouton noir, la queuë fort courte, les jambes velues comme celle d’un Ours, et les griffes fort longues.

Et quoy que quand il est par les bois il soit fort farouche, tant y a qu’estans prins il n’est pas mal aisé à apprivoiser. Vray est qu’à cause de ses griffes si aiguës nos Toüoupinambaoults, tousjours nuds qu’ils sont, ne prennent pas grand plaisir de se jouer avec luy. Mais au demeurant (chose qui semblera possible fabuleuse) j’ay entendu non seulement des sauvages, mais aussi des truchemens qui avoyent demeuré long temps en ce pays-là, que jamais homme, ni par les champs, ni à la maison ne vid manger cest animal : tellement qu’aucuns estiment qu’il vit du vent.

L’autre, dont je veux aussi parler, lequel les sauvages nomment Coati, est de la hauteur d’un grand lievre, a le poil court, poli et tacheté, les oreilles petites, droites et pointues : mais quant à la teste, outre qu’elle n’est gueres grosse, ayant depuis les yeux un