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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/210

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fermement s’ils observent ce qui leur est signifié par ces augures que non seulement ils veincront leurs ennemis en ce monde, mais qui plus est, quand ils seront morts, que leurs ames ne faudront point d’aller trouver leurs predecesseurs derriere les montagnes pour danser avec eux.

Je couchay une fois en un village, appelé Upec par les François, où sur le soir oyant chanter ainsi piteusement ces oyseaux, et voyant ces pauvres sauvages si attentifs à les escouter, et sachant aussi la raison pourquoy, je leur voulu remonstrer leur folie : mais ainsi qu’en parlant à eux, je me prins un peu à rire contre un François qui estoit avec moy, il y eut un vieillard qui assez rudement me dit : Tais-toy, et ne nous empesche point d’ouir les bonnes nouvelles que nos grans peres nous annoncent à present : car quand nous entendons ces oyseaux, nous sommes tous resjouis, et recevons nouvelle force. Partant sans rien repliquer (car c’eust esté peine perdue) me ressouvenant de ceux qui tiennent et enseignent que les ames des trespassez retournans de Purgatoire les viennent aussi advertir de leur devoir, je pensay que ce que font nos pauvres aveugles Ameriquains, est encor plus supportable en cest endroit : car comme je diray parlant de leur religion, combien qu’ils confessent l’immortalité des ames, tant y a neantmoins qu’ils n’en sont pas là logez, de croire qu’apres qu’elles sont separées des corps elles reviennent, ains seulement disent que ces oyseaux sont leurs messagers. Voilà ce que j’avois à dire touchant les oyseaux de l’Amerique.

Il y a toutesfois encores des chauves souris en ce pays là, presques aussi grandes que nos Choucas, lesquelles entrans ordinairement la nuict dans les maisons, si elles trouvent quelqu’un qui dorme les pieds