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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/98

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CHAPITRE IV


De l’Equateur, ou ligne Equinoctiale : ensemble des tempestes, inconstance des vents, pluyes infectes, chaleurs, soif, et autres incommoditez que nous eusmes et endurasmes aux environs et sous icelle.


Pour retourner à nostre navigation, nostre bon vent nous estant failli à trois ou quatre degrez au deçà de l’Equateur, nous eusmes lors non seulement un temps fort fascheux, entremeslé de pluye et de calme, mais aussi selon que la navigation est difficile, voire tres-dangereuse aupres de ceste ligne Equinoctiale, j’y ay veu, qu’à cause de l’inconstance des divers vents qui souffloyent tous ensemble, encores que nos trois navires fussent assez pres l’une de l’autre, et sans que ceux qui tenoyent les Timons et Gouvernails eussent peu faire autrement, chascun vaisseau estre poussé de son vent à part : tellement que comme en triangle, l’un alloit à l’Est, l’autre au Nord, et l’autre à l’Oest. Vray est que cela ne duroit pas beaucoup, car soudain s’eslevoyent des tourbillons, que les mariniers de Normandie appellent grains, lesquels apres nous avoir quelques fois arrestez tout court, au contraire tout à l’instant tempestoyent si fort dans les voiles de nos navires, que c’est merveille qu’il ne nous ont virez cent fois les Hunes en bas, et la Quille en haut : c’est à dire, ce dessus dessous.