Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/56

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c’estoit assez maugré eux : car, disoit celuy qui les me vendit, je ne sçay d’oresenavant que s’en sera : car depuis que Paycolas (entendant Villegagnon) est venu par-deçà, nous ne mangeons pas la moitié de nos ennemis. Je pensois bien garder le petit garçon pour moy, mais outre que Villegagnon, en me faisant rendre ma marchandise, voulut tout avoir pour luy, encor y avoit-il que quand je disois à la mere, que lors que je repasserois la mer je l’amenerois par-deçà : elle respondoit (tant ceste nation a la vengeance enracinée dans son coeur) qu’à cause de l’esperance qu’elle avoit qu’estant devenu grand il pourroit eschapper, et se retirer avec les Margajas pour les venger, qu’elle eust mieux aimé qu’il eust esté mangé des Toüoupinambaoults, que de l’eslongner si loin d’elle. Neantmoins (comme j’ay dit ailleurs) environ quatre mois apres que nous fusmes arrivez en ce pays-là, d’entre quarante ou cinquante esclaves qui travailloyent en nostre fort (que nous avions aussi achetez des sauvages nos alliez) nous choisismes dix jeunes garçons, lesquels (dans les navires qui revindrent) nous envoyasmes en France au Roy Henry second lors regnant.

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