Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/97

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souci) il semble qu’il y a plus d’apparence de conclure qu’ils soyent descendus de Cham : et voici, à mon advis, la conjecture plus vray-semblable qu’on pourroit amener. C’est que quand Josué, selon les promesses que Dieu avoit faites aux Patriarches, et le commandement qu’il en eut en particulier, commença d’entrer et prendre possession de la terre de Chanaan, l’Escriture saincte tesmoignant que les peuples qui y habitoyent furent tellement espouvantez que le coeur defaillit à tous : il pourroit estre advenu (ce que je di sous correction) que les Majeurs et ancestres de nos Ameriquains, ayans esté chassez par les enfans d’Israël de quelques contrées de ce pays de Chanaan, s’estans mis dans des vaisseaux à la merci de la mer, auroyent esté jettez et seroyent abordez en ceste terre d’Amerique. Et de fait l’Espagnol auteur de l’Histoire generale des Indes (homme bien versé aux bonnes sciences quel qu’il soit) est d’opinion que les Indiens du Peru, terre continente à celle du Bresil, dont je parle à present, sont descendus de Cham, et ont succédé à la malediction que Dieu luy donna. Chose, comme je vien de dire, que j’avois aussi pensée et escrite és memoires que je fis de la presente histoire plus de seize ans avant que j’eusse veu son livre. Toutesfois, parce qu’on pourroit faire beaucoup d’objections là dessus, n’en voulant icy decider autre chose, j’en lairray croire à chacun ce qu’il luy plaira. Mais quoy que c’en soit, tenant de ma part pour tout resolu, que ce sont pauvres gens issus de la race corrompue d’Adam, tant s’en faut que les ayant ainsi considerez vuides et despourveus de tous bons sentimens de Dieu, ma foy (laquelle Dieu merci est appuyée d’ailleurs) ait esté pour cela esbranlée : moins qu’avec les Atheistes et Epicuriens j’aye de là conclu,