D'un trouble si confus un esprit assailli
Se confesse coupable, et qui craint a failli ;
N'avez-vous point eu prise avec votre frère ?
Votre mauvaise humeur lui fut toujours contraire, [1270]
Et si pour l'en garder mes soins n'avaient pourvu...
M'a-t-il pas satisfait ? Non, je ne l'ai point vu.
Qui vous réveille donc avant que la lumière
Ait du soleil naissant commencé la carrière ?
N'avez-vous pas aussi précédé son réveil ? [1275]
Oui, mais j'ai mes raisons qui bornent mon sommeil,
Je me vois, Ladislas, au déclin de ma vie,
Et sachant que la mort l'aura bientôt ravie
Je dérobe au sommeil, image de la mort,
Ce que je puis du temps qu'elle laisse à mon sort ; [1280]
Près du terme fatal prescrit par la nature,
Et qui me fait du pied toucher ma sépulture ;
De ces derniers instants dont il presse le cours
Ce que j'ôte à mes nuits, je l'ajoute à mes jours.
Sur mon couchant enfin, ma débile paupière [1285]
Me ménage avec soin ce reste de lumière ;
Mais quel soin peut du lit vous chasser si matin,
Vous à qui l'âge, encor, garde un si long destin ?
Si vous en ordonnez avec votre justice
Mon destin de bien près touche son précipice ; [1290]