Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/263

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Armez-vous de vertus, vous en avez besoin.

LE PRINCE

S'il est temps de partir, mon âme est toute prête.

LE ROI

L'échafaud l'est aussi, portez-y votre tête ;

Plus condamné que vous, mon coeur vous y suivra,

Je mourrai plus que vous du coup qui vous tuera ; [1600]

Mes larmes vous en sont une preuve assez ample,

Mais à l'État, enfin, je dois ce grand exemple ;

À ma propre vertu, ce généreux effort,

Cette grande victime à votre frère mort ;

J'ai craint de prononcer, autant que vous d'entendre, [1605]

L'arrêt qu'ils demandaient, et que j'ai dû leur rendre,

Pour ne vous perdre pas, j'ai longtemps combattu,

Mais ou l'art de régner n'est plus une vertu,

Et c'est une chimère aux rois que la justice ;

Ou régnant à l'État, je dois ce sacrifice. [1610]

LE PRINCE

Et bien, achevez-le, voilà ce col tout prêt,

Le coupable, grand Roi, souscrit à votre arrêt ;

Je ne m'en défends point, et je sais que mes crimes,

Vous ont causé souvent des courroux légitimes ;

Je pourrai, du dernier, m'excuser sur l'erreur, [1615]

D'un bras qui s'est mépris, et crut trop ma fureur ;

Ma haine, et mon amour, qu'il voulait satisfaire,

Portaient le coup au Duc, et non pas à mon frère ;

J'allèguerais encore, que le coup part d'un bras,

Dont les premiers efforts, ont servis vos États ; [1620]

Et m'ont dans votre histoire, acquis assez de place,

Pour vous devoir parler, en faveur de ma grâce ;