Aller au contenu

Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en argent, le gouvernement français en arrêta aussitôt la fabrication. Depuis lors un arrangement a été conclu d’année en année entre la France, la Suisse, la Belgique et l’Italie, afin que chaque pays ne frappât qu’une quantité d’écus en argent proportionnelle à sa population. Une convention tendant au même but avait eu lieu auparavant pour la monnaie d’argent à valeur conventionnelle, c’est-à-dire pour les pièces de deux francs et au-dessous ; mais la fabrication des écus, qui en théorie étaient frappés à valeur pleine et avaient cours forcé pour des sommes illimitées, n’était sujet à aucune restriction. Le résultat de la limitation actuellement imposée au monnayage est de détruire l’action du système à double étalon. L’argent, frappé seulement en quantités limitées, ne peut remplacer ou chasser l’or, et les pièces de cinq francs, bien qu’elles aient plus de valeur que cinq pièces d’un franc, valent moins que le quart de la pièce de vingt francs en or. Quoiqu’elles conservent encore cours forcé jusqu’à une valeur illimitée, on ne peut sans doute se les procurer en quantités illimitées, et par conséquent elles sont réduites, dans la pratique, au rôle de monnaies à valeur conventionnelle. En changeant aussi peu que possible leurs dispositions législatives, la France et les autres gouvernements appartenant à la Convention Monétaire ont ainsi abandonné le double étalon dans la pratique, et en ont adopté un qui ne se distingue guère du cours forcé composite de l’Angleterre et de l’Allemagne. Depuis 1810 la monnaie de cuivre ou de bronze n’a jamais eu cours légal que jusqu’à concurrence de 4 francs 99 centimes, et depuis que le titre de la petite monnaie d’argent a été abaissé, le cours forcé de cette monnaie même a été limité à 50 francs pour les paiements entre particuliers, et à 100 francs pour les paiements aux caisses publiques. L’écu d’argent est le seul lien par lequel la France reste attachée au double étalon, et ce lien est à demi rompu.

Il est à remarquer que les changements ainsi opérés dans la circulation de l’Europe occidentale sont presque identiques à ceux par lesquels les États-Unis avaient auparavant abandonné le double étalon. Jusqu’en 1853, le dollar d’argent des États-Unis était une pièce de métal au titre qui