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rités relatives à ce sujet ; mais un article récent de M. Bernardakis dans le Journal des Économistes (vol. XXXIII, p. 353-370) vient d’ajouter beaucoup à nos connaissances, et a montré que les anciens étaient, en matière de numéraire, plus avancés que nous ne l’aurions cru.

Un des moyens d’échange les plus anciens consistait, ainsi que nous l’avons vu déjà, en peaux d’animaux. Or la forme la plus ancienne de la monnaie représentative fut celle de petits morceaux de cuir portant d’ordinaire un sceau officiel. Storch, Bernardakis et quelques autres écrivains ont supposé, avec beaucoup de vraisemblance, que, lorsque les peaux et les fourrures commencèrent à paraître trop volumineuses et trop gênantes pour servir de monnaies, on en détacha de petits morceaux qui circulèrent comme gages de propriété. En s’ajustant à l’endroit où on les avait coupés, ils prouvaient le droit de propriété. Il y avait là quelque chose d’analogue à ces tailles ou baguettes entaillées qui servirent pendant bien des siècles à marquer les emprunts faits au Trésor d’Angleterre. L’expérience que nous avons du papier monnaie nous apprend assez que, si ces petits gages de cuir étaient entrés tout à fait dans les habitudes d’une nation, celle-ci devait, avec le temps, en oublier le caractère représentatif, et continuer à les employer, lors même que le gouvernement ou les autres détenteurs des peaux et fourrures ne conservaient plus en réalité ce genre de propriété. Telle est sans doute l’histoire de la monnaie de cuir qui a longtemps eu cours en Russie.

Il est impossible de dire avec certitude quel était le caractère de la monnaie de cuir qui, suivant une tradition obscure, était en usage à Rome avant le temps de Numa. Il est certain que les Carthaginois avaient une monnaie de cuir représentative, car Eschine le Socratique nous dit qu’ils employaient de petits morceaux de cuir enroulés autour d’un noyau d’une substance inconnue, puis scellés. Les nations voisines refusaient de recevoir ces monnaies curieuses, d’où nous pouvons inférer avec certitude qu’elles n’avaient qu’une valeur nominale.

Cependant, c’est en Chine que l’usage d’une monnaie représentative prit de bonne heure les plus grands développe-