Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/179

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Lorsqu’il s’agit d’affaires de commerce, cette idée ne nous entre jamais dans la tête. On a vu cependant des discussions s’élever sur ce point. Quelques personnes ont un goût tout spécial pour recueillir des pièces particulières, et une vieille dame, qui avait amassé une quantité considérable de pièces de quatre pence, mourut en les léguant à un parent. Quoiqu’il désirât les garder par respect pour la vieille dame, le parent, qui avait besoin d’argent comptant, chercha à réaliser la valeur de son legs ; il crut pouvoir satisfaire ce double désir en engageant son trésor chez un préteur sur gages. Le prêteur reçut le dépôt sans difficulté ; mais, au bout de quelque temps, sans y faire attention, il se servit de ces pièces pour rendre de la monnaie. Quand la reconnaissance qu’il avait donnée lui fut présentée, il crut qu’il lui suffisait, pour remplir son engagement, de rendre en souverains et en shellings une somme légalement équivalente. Ici cependant l’engagement devait être considéré comme d’une nature spéciale.

Si les engagements pécuniaires étaient toujours d’un caractère spécial, il n’y aurait jamais aucun mal à laisser parfaitement libre l’émission des titres qui les constatent. Celui qui les émet ne ferait pas autre chose que de se constituer garde-magasin, et s’obligerait à tenir chaque lot de monnaie tout prêt pour payer chaque billet correspondant. Mais comme il n’en est pas ainsi, il y aurait beaucoup de dangers à permettre une émission exagérée de ces titres par lesquels on s’engage à payer en or sur demande. Le marché de l’or peut être encombré aussi bien que celui du fer ou que tout autre marché. Il y a cette différence, que le marché de l’or est le plus étendu de tous, de sorte qu’il faut, pour y produire un effet appréciable, qu’une grande quantité d’individus ou de compagnies, agissant chacun de son côté sous l’impulsion de l’intérêt personnel, émettent une quantité exagérée de billets. Il y a une autre différence, c’est que, l’or étant lui-même la mesure de la valeur, les hausses et les baisses qu’il subit ne peuvent se manifester que dans la hausse ou la baisse du prix d’une foule de marchandises. Nous reprendrons ce sujet dans le chapitre xxiv, page 253.