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Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/62

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valeur. Mais nous pourrions alors, au même titre, définir le yard une sensation de longueur, et le grain une sensation de pesanteur. De même que dans les sciences physiques toute quantité est déterminée par son rapport avec quelque objet réel pris comme unité fixe, de même, si nous voulons arriver à mesurer et à exprimer la valeur d’une manière quelconque, nous devons avoir recours à des quantités fixes d’une ou de plusieurs denrées déterminées et invariables.

Cette expression, unité fixe de valeur, causera sans doute un malentendu presque inévitable, parce qu’on croira qu’elle implique l’existence d’une chose dont la valeur est immuable. Cependant, ainsi que nous l’avons vu (p. 9), la valeur n’exprime que la proportion essentiellement variable suivant laquelle deux marchandises s’échangent l’une contre l’autre ; de sorte qu’il n’y a nulle raison de supposer qu’aucune substance puisse conserver deux jours la même valeur. Tout ce que nous voulons dire en parlant d’unité fixe de valeur, c’est que l’on choisit quelque substance uniforme et invariable, à l’aide de laquelle toutes les proportions suivant lesquelles s’opèrent les échanges pourront être exprimées et calculées, et cela sans aucune considération des sensations ou des phénomènes psychologiques produits chez l’homme par les diverses denrées. Pour des raisons que nous avons déjà signalées, ce sont quelques métaux, l’or, l’argent, le cuivre, que l’on a généralement considérés comme les matières les plus propres à fournir l’unité en question.

Peu importe le poids ou la grandeur absolue de l’unité de monnaie, pourvu que tout le monde adopte la même unité, qu’elle soit déterminée d’une manière permanente et exacte, et que dans la suite on ne s’en écarte pas. Avant que le yard anglais fût fixe, peu importait qu’on le choisit plus court de quelques pouces. Il importerait même peu que le pouce, le pied, le stade ou le mille fût l’unité de longueur, pourvu que l’une de ces mesures fût fixée d’une manière bien précise, et que les autres fussent liées à la première par des rapports connus. Ainsi il est indifférent, au fond, que nous choisissions comme unité de valeur la livre d’or au titre, ou l’once, ou le nombre de grains que contient le souverain.