Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/201

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e demeure,
Et moy Egyptienne dedans Romme je meure.
Mais si les puissans Dieux ont pouvoir en ce lieu
Où maintenant tu es, fais, fais que quelque Dieu
Ne permette jamais qu’en m’entrainant d’ici,
On triomphe de toy en ma personne ainsi ;
Ains que ce tien cercueil, ô spectacle piteux
De deux pauvres amans, nous racouple tous deux,
Cercueil qu’encore un jour l’Égypte honorera
Et peut estre à nous deux l’epitaphe sera :
"Ici sont deux amans qui, heureux en leur vie,
D’heur, d’honneur, de liesse, ont leur ame assouvie :
Mais en fin tel malheur on les vit encourir,
Que le bon heur des deux fut de bien tost mourir".
Recoy, recoy moy donc, avant que Cesar parte,
Que plustost mon esprit que mon honneur s’écarte :
Car entre tout le mal, peine, douleur, encombre,
Souspirs, regrets, soucis, que j’ay souffert sans nombre,
J’estime le plus grief ce bien petit de temps
Que de toy, ô Antoine, esloigner je me sens.

LE CHŒUR.
Voila pleurant, elle entre en ce clos des tombeaux.
Rien ne voyent de tel les tournoyans flambeaux.

ERAS.
Est-il si ferme esprit, qui presque ne s’envole
Au piteux escouter de si triste parole ?

CHARMIUM.
O cendre bien heureuse estant hors de la terre !
L’homme n’est point heureux tant qu’un cercueil l’enserre.

LE CHŒUR.
Auroit donc bien quelqu’un de vivre telle envie,
Qui ne voulust ici mespriser ce