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le robinson suisse.

ouvrir une issue à la pinasse. Mais quelle machine avez-vous employée à cet effet ? »

Je leur expliquai mon stratagème. À l’aide du cric et de leviers, nous fîmes glisser doucement la pinasse à la mer, après avoir eu soin néanmoins de rattacher avec une forte et longue corde pour l’empêcher de s’éloigner trop. Bientôt notre joli bâtiment fut gréé et en état de voguer.

Mes enfants, se voyant sur une pinasse défendue par deux canons, avec leurs fusils, leurs pistolets, se croyaient invincibles ; ils eussent souhaité de tous leurs vœux rencontrer des flottes de sauvages, pour les bombarder et les couler à fond. La nuit avançait ; nous partîmes. Fritz fut érigé immédiatement en capitaine ; il avait sous ses ordres, comme canonniers, Jack et Ernest ; moi, j’étais au gouvernail. Quand nous entrâmes dans la baie du Salut, le capitaine commanda de tirer le canon : « No 1, feu ! no 2, feu ! » et les échos répétèrent au loin les détonations de notre formidable artillerie.

Derrière les rochers du rivage, ma femme et le petit François nous attendaient ; mais ils ne nous reconnurent pas de loin en mer ; aussi furent-ils très-effrayés de notre démonstration belliqueuse. Quand nous débarquâmes, ils s’élancèrent vers nous. « Soyez les bienvenus ! nous dit ma femme ; je devrais pourtant vous en vouloir, car vos coups de canon m’ont fait grand’peur. Quel joli bâtiment ! je crois que j’aurai maintenant assez de courage pour me mettre en mer avec vous. »

Mon fils aîné la pria de monter sur la pinasse, ce qu’elle fit très-volontiers, et deux autres coups de canon furent immédiatement tirés en son honneur.

Ma femme loua beaucoup notre persévérance et notre habileté, puis elle ajouta :

« Si je vous fais tant de compliments, c’est peut-être un peu dans l’espoir que vous nous en ferez à votre tour au petit François et à moi : pendant que vous travailliez sur le