ernest. — Allons, soit ! et je te déclare, dès maintenant, chevalier de l’Aigle. Puissé-je un jour avoir à célébrer, en vers et en prose, tes prouesses et les siennes ! J’ai lu, en quelque endroit, que les Caraïbes soufflent de la fumée de tabac dans le bec des oiseaux de proie et des perroquets. Cette sorte d’ivresse les fait tomber étourdis et sans connaissance, et quand elle est passée ils ne sont plus farouches.
fritz. — Et voilà ton fameux secret ! c’était bien la peine d’être si fier ! Ce secret ne vaut pas mon singe, n’est-ce pas, mon père ?
moi. — Et pourquoi ? ta promesse est faite ; il faut la tenir, si le conseil est bon ; s’il est mauvais, Ernest ne te demandera rien. Je sais que par ce même moyen on étourdit les abeilles quand on veut leur enlever leurs rayons de miel.
le petit françois. — Je suis content d’apprendre qu’on peut endormir ces maudites abeilles, qui, l’autre jour, n’ont pas voulu me laisser goûter de leur miel ; ayez la bonté, papa, d’aller fumer dans leur trou, et j’enlèverai la moitié de leurs provisions.
moi. — Je m’occuperai de cela un de ces jours ; mais, d’abord, que Fritz fasse l’épreuve du secret d’Ernest. »
Fritz prit une pipe et du tabac et commença la fumigation, qui réussit, comme le naturaliste l’avait annoncé. Après le souper chacun se coucha à l’heure ordinaire. Le lendemain matin nous résolûmes d’aller dans nos nouvelles plantations pour munir nos jeunes arbres de soutiens et de supports. Les pieux de bambous furent mis dans notre chair, auquel nous attelâmes seulement la vache. Je désirais laisser un jour de repos au buffletin pour que sa blessure se cicatrisât ; nous lui donnâmes quelques poignées de sel, qu’il trouva si fort de son goût, qu’il voulait nous suivre pour en avoir encore ; il nous fallut l’attacher. Je dis adieu à ma femme et au petit François, et nous partîmes.
Nous commençâmes nos travaux assez près de Falkenhorst, à l’entrée de l’allée ; déjà nos noyers, nos châtai-