tout ce qui lui retrace l’image de l’enfance. Quand nous plaisantions la bonne mère sur sa sollicitude constante, sur sa tendresse pour les poussins : « Moquez-vous de moi, nous répondait-elle : mes poussins sont des bêtes bien plus utiles au ménage que votre singe, votre chacal, votre aigle ; cependant j’estime le buffle et l’onagre, tout en vous reprochant de faire de ce dernier une bête de luxe et un fainéant, au lieu de l’atteler à la charrette. »
Ma femme avait bien un peu raison dans ses plaintes au sujet de l’onagre ; mais c’était un si bel animal, que j’eusse vraiment craint de le gâter en en faisant une bête de trait.
L’augmentation de notre basse-cour nous rappela la nécessité de bâtir un poulailler couvert pour mettre à l’abri la volaille, et des loges pour nos quadrupèdes. La saison des pluies, qui est l’hiver de ces contrées, approchait ; il n’y avait donc point de temps à perdre.
Nous construisîmes au-dessus des racines du figuier un toit de roseaux ; je garnis les interstices avec une sorte de mortier fait de terre et de mousse ; sur le mortier fut étendue une épaisse couche de goudron ; de gros bambous servaient de colonnes au toit, d’ailleurs si solide, qu’on pouvait marcher dessus sans crainte, aussi, l’ayant entouré d’une balustrade, nous eûmes un beau balcon. Non-seulement nos bêtes se trouvèrent logées commodément, mais il nous resta encore de quoi faire une salle à manger, une dépense, des greniers. Il s’agissait maintenant de se procurer des provisions. Chaque jour donc nous allions en course dans les environs avec notre attelage pour récolter tantôt une chose, tantôt une autre.
Un soir, nous revenions du champ de pommes de terre. La charrette, chargée de nos sacs et traînée par l’âne, le buffle et la vache, roulait doucement à travers une prairie ; Fritz était en avant sur son onagre, qu’il savait diriger mieux que ses frères ; Ernest portait sur son épaule maître Knips, auquel il permettait de temps en temps de courir ra-