ou deux, déjà desséchées et flétries, et je m’aperçus avec surprise qu’elles étaient souples comme des rubans. Je fis part immédiatement de cette découverte à notre ménagère, qui déjà se plaignait de n’avoir plus de fil pour raccommoder nos vêtements en lambeaux. Ces feuilles, que je reconnaissais pour une espèce de lin vivace, appelé phormium devaient lui fournir une filasse longue et flexible. Une heure après mon heureuse découverte, Fritz et Ernest, qui m’avaient entendu l’annoncer à leur mère, partirent, l’un sur l’onagre, l’autre sur le buffle ; ils revinrent avec d’énormes paquets de ces feuilles précieuses. Fritz me demanda alors comment on préparerait notre lin. Je lui dis que d’abord il faut le rouir, c’est-à-dire, l’exposer en plein air, en le couchant à terre, et laisser la pluie, la rosée, le soleil le décomposer jusqu’à un certain point, pour que les parties dures et ligneuses de la plante se séparent des filaments auxquels elles sont unies par une sorte de colle végétale. Dans certains pays, on arrive au même résultat en mettant le lin dans l’eau ; ensuite, il faut le teiller, c’est-à-dire, le faire passer dans une machine en bois qui le débarrasse complètement de cette partie ligneuse dont j’ai parlé.
Le soir même, nous étant rendus au marais du Flamant avec nos paquets de phormium, nous les mîmes dans l’eau, et nous posâmes dessus de grosses pierres pour les empêcher de revenir à la surface : ce travail nous fournit l’occasion d’observer l’admirable instinct que montre le flamant dans la construction de son nid : il lui donne la forme d’un cône et l’élève au-dessus du marais ; la femelle couve ses œufs debout et les pieds dans l’eau. La matière de ce nid est une argile si bien mastiquée, que l’eau ne peut y pénétrer, ni même en altérer la surface.
Quinze jours après, ma femme déclara que son lin était assez roui ; nous le retirâmes donc de l’eau pour l’exposer au soleil pendant quelques heures, et, le jour même, il fut rapporté à Falkenhorst, ou on le serra avec soin en atten-