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le robinson suisse.

Étonné de le voir si convaincu, j’allais le suivre pour juger par moi-même de ce qu’il en était, quand Fritz me fit signe de loin, avec des gestes pressants, de venir à lui. Je me rends d’abord à cet appel, et quand je fus à la portée de la voix, je lui demandai ce qu’il y avait :

« Une énorme tortue, papa, venez donc vite ! Ernest et moi, nous ne pouvons pas la retenir. »

Je donnai un des avirons que j’avais à la main à mon fils aîné, et j’aperçus, en effet, Ernest tirant de toutes ses forces, par une des pattes de derrière, une tortue gigantesque, dont la force était telle, que le pauvre garçon ne pouvait l’arrêter. Nous courûmes en toute hâte à son secours ; il était temps, car quelques minutes plus tard la tortue arrivait à la mer, où elle trouvait son salut ; nous passâmes chacun notre aviron sous le ventre de cette énorme bête, et, la soulevant au moyen de ce levier improvisé, nous la renversâmes enfin sur le dos. Son poids, joint à un léger balancement imprimé par nos avirons, creusa une petite fosse dans le sable, d’où elle ne put sortir pour nous échapper.

C’était une tortue magnifique et telle que je n’en avais jamais vu ; elle pouvait peser sept à huit cents livres, et mesurait six à sept pieds de long. Je ne savais trop quel parti j’en tirerais, mais, dans la position où nous l’avions laissée, nous avions tout le temps d’y penser.

Je me rendis ensuite aux instances de Jack, qui voulait toujours que j’allasse voir son mammouth, et je n’eus pas de peine à reconnaître que mes conjectures étaient fondées : c’était la carcasse de la baleine, que les oiseaux de proie avaient tellement disséquée, qu’il n’en restait plus que les os. Je plaisantai un peu le pauvre garçon sur sa trop grande crédulité, et je m’occupai activement de nos plantations.

Malgré le zèle de chacun, il était impossible de tout terminer avant la nuit ; aussi je remis à un autre jour la fin de cet important travail, et je tins conseil pour chercher un moyen d’emmener la tortue. Les enfants, découragés, con-