abandonner, et, à la distance où nous sommes, n’est-il pas à l’abri de nos balles ? Mieux vaut rester ici tranquilles, nous sommes en sûreté pour le moment : peut-être une diversion de notre part n’aboutirait-elle qu’à attirer le danger sur une tête plus précieuse, sans aucun résultat avantageux. Si le boa cherche à avaler sa proie, nous trouverons sans doute un moment plus favorable pour nous délivrer à jamais de lui.
— Mais, reprit Jack, comment pourra-t-il avaler l’âne ? Il est trop gros pour une seule bouchée, et les serpents n’ont pas de dents pour mâcher la nourriture, je crois.
— En effet, repris-je ; aussi sont-ils obligés de l’engloutir toute à la fois, après l’avoir préparée comme une sorte de bouillie. D’ailleurs, est-ce donc plus affreux que de la déchirer et de la mettre en lambeaux, comme font les lions ou les tigres ? Non, seulement cela nous semble plus monstrueux et plus effrayant, car ce qui nous frappe surtout, c’est la vue de la force prodigieuse qu’il faut à un pareil animal pour préparer ainsi sa pâture. Quand il a saisi sa proie, il la broie avec ses anneaux, et, lorsque le poil, la peau, la chair et les os sont réunis en une seule pâte, il l’enduit d’une sorte de bave gluante qui facilite l’ingurgitation ; enfin il l’avale. ».
Malgré mes explications, mes enfants ne pouvaient croire à ce que je leur disais de la manière dont se nourrit le boa : il leur paraissait impossible que la croupe et le dos de l’âne, par exemple, pussent passer à travers son gosier. Je leur dis de remarquer cependant avec quelle force le monstre enlaçait sa victime, je tâchai de leur faire comprendre qu’il pouvait ainsi la façonner à la mesure de son gosier. D’ailleurs, ma leçon théorique devenait inutile, car nous avions sous les yeux une démonstration pratique. Ma femme ne put supporter plus longtemps cet affreux spectacle, et se retira dans le fond de la grotte avec François.
Je fus bien aise de les voir rentrer tous deux, car, dans le fait, ce que nous voyions était hideux. Ainsi que je l’avais