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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/464

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le robinson suisse.

tendre, tant les détails qu’il contenait nous avaient paru remplis d’intérêt. Quand il fut terminé, j’ordonnai à nos enfants de se coucher, et je les suivis dès que j’eus achevé le travail auquel je me livrais. Personne ne dormit bien cette nuit ; pour moi, je ne fermai presque pas les yeux, tant il se passait de choses dans mon esprit, lorsque je songeais au nouvel avenir que préparait pour nous l’augmentation de notre ménage et l’heureuse découverte que Fritz avait faite. Je devais rester encore deux jours dans la baie des Perles ; mais les travaux que j’y voulais entreprendre étaient tous si importants et si pleins d’attraits, que je ne savais par lequel commencer. Quant à mes fils, la fin du récit de Fritz leur avait inspiré un si grand désir de connaître les aventures de Jenny, qu’il la supplièrent de les leur raconter pendant le déjeuner. Elle y consentit, et voici le résumé de ce qu’elle nous dit.

Miss Jenny avait à peine sept ans quand sa mère mourut. Son père, qui était au service, avec le grade de major, fut obligé, peu de temps après, de quitter la jolie terre qu’il habitait en Angleterre pour se rendre aux Indes, où sa fille l’avait suivi successivement dans plusieurs garnisons. Lui, brave officier et zélé chasseur, fit comme font souvent les pères qui restent veufs avec une fille unique, c’est-à-dire qu’il éleva la sienne comme il aurait fait d’un garçon, et elle serait peut-être devenue une amazone, si une femme de chambre de confiance, née d’honnêtes parents, n’eût pris soin de lui enseigner tout ce qu’une femme doit savoir, et n’eût maintenu en elle les manières et la modestie féminines. De son côté, miss Jenny, étant douée de beaucoup de bon sens et d’un jugement exquis, finit par réunir à la fois dans sa personne les mérites d’un aimable jeune homme et ceux d’une demoiselle bien élevée. Sur ces entrefaites, le major Montrose, s’étant distingué et ayant obtenu le grade de colonel, avait été mis à la retraite, mais avec l’ordre de ramener auparavant en Europe un certain nombre d’invalides. Forcé, en conséquence, de s’embarquer sur un vaisseau de guerre,