jeté à la mer. Il disparut au milieu de l’eau, qui le couvrit avec bruit comme pour l’engloutir ; nous le revîmes bientôt agitant les pieds, la tête, tout le corps, puis, à notre grande joie, il commença à nager avec facilité ; quand il se sentait fatigué, il laissait pendre ses pieds, et la mer le portait doucement.
Ainsi furent attachés les chèvres et les autres moutons ; mais, comme les corsets de liège eussent été insuffisants pour notre vache et notre âne, nous leur mîmes de chaque côté du dos, en manière de bâts, de gros tonneaux vides et bien fermés. L’âne fut jeté à l’eau et enfonça comme avait fait le mouton, puis il se mit à nager d’un air brave et superbe qui lui mérita nos applaudissements ; le tour de la vache arriva, et tout se passa bien pour elle, comme pour le reste du bétail. Le cochon seul se débattit avec colère et gagna le rivage avant nous. Au moyen de cordes solides nouées aux cornes de nos autres bêtes et fixées aux côtés de notre bateau, nous remorquâmes cette cargaison vivante. Le vent nous poussa vers le rivage ; sans ce vent favorable, jamais nous ne serions parvenus à avancer.
Fiers de notre ouvrage, heureux de voir comme nous marchions vite, nous nous assîmes au fond de nos cuves pour prendre quelque nourriture. Fritz jouait avec son singe ; je regardais à l’aide de mon télescope ma femme et mes enfants accourus sur le rivage, quand, tout à coup, mon fils poussa un cri terrible. « Nous sommes perdus ! regardez ce poisson monstrueux qui s’approche ! »
Je regardai, et je vis un énorme requin qui s’avançait vers nous. Nous chargeons nos fusils, et, au moment où le monstre, d’un bond rapide, s’élançait sur une des brebis, Fritz le tire à la tête, et si juste et si bien, que le requin, meurtri, ensanglanté, gagne le large, renonçant à sa proie.
« Il en a assez, père, me dit mon fils.
— Très bien, mon ami, ton coup est des plus heureux : on ne blesse que rarement les requins avec des armes à feu ;