Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/113

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Des hommes ont pu être frappés, enchainés, torturés, placés sous le joug comme des animaux, tués par milliers comme mouches en été, et cependant, en un sens, le meilleur même, rester libres. Mais étouffer l’âme au dedans d’eux, laisser se flétrir ou mutiler les branches nourricières de l’intelligence humaine et les laisser pourrir comme de vieux arbres étêtés, enfermer dans des sangles de cuir pour atteler au joug des machines cette chair et cette peau qui, après-le travail du ver dans le cercueil, sont destinées à voir Dieu face à face, c’est là œuvre de maîtres d’esclaves ; et il y aurait plus de vraie liberté en Angleterre, quand bien même un simple mot du lord féodal pourrait sacrifier des vies humaines ; quand bien même les laboureurs torturés arroseraient de leur sang les sillons de ses champs, qu’il n’y en a lorsque ses multitudes animées servent pour ainsi dire de combustible à ses noires fabriques et que leurs forces sont chaque jour dépensées à produire plus de finesse dans les tissus, ou torturées pour créer des lignes plus exactes.

Cela nous mène loin des Palais de Venise mais nous conduit au seuil même de la Démocratie Sociale d’aujourd’hui.