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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/279

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Il n’y a pas là que de simples divagations. L’ironie n’est ni plus farouche, ni plus continue que dans Gulliver, Candide ou Sartor ; et elle n’est ni grossière, ni rude. C’est là protestation désespérée d’un homme qui, dès l’enfance, eut un amour passionné pour tout ce qui est beau dans la Nature, dans l’Art et dans l’Histoire ; d’un homme qui éprouve un dégoût profond pour les cruautés de la guerre et les tortures infligées de gaieté de cœur à de belles et tendres créatures par ce qu’on appelle « le sport » cette parodie de la guerre ; d’une âme torturée jusqu’à la folie par les horreurs physiques, morales, esthétiques et spirituelles de l’industrialisme moderne ; d’un homme enfin saturé, plus qu’aucun prêtre, des paroles de l’Écriture et de l’idéal évangélique et qui brûle, comme un saint François, un Zwingle ou un Latimer, d’en faire de nouveau les uniques guides et les vrais conducteurs de l’humanité. Prenez l’esprit brûlant d’un tel Évangéliste, enflammé de la fièvre irrésistible de l’auteur des Modern Painters et des Sept Lampes et vous avez Fors Clavigera, avec sa frénésie, le désordre de ses idées, ses appels si nobles, sa tendresse exquise et sa grâce. On pourrait se figurer quelque « Glendoveer béni », ou bien, descendant sur notre globe, quelque citoyen d’une autre planète, Mars ou Mercure, où les « Lois naturelles », telles que nous les connaissons, n’ont point d’empire et