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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/57

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parents comme obscurci, celui de l’éternelle loi de jour en jour plus vague et presque assombri ». C’est le lot habituel du génie à vingt-deux ou vingt-trois ans. Il abandonna donc toute idée de devenir évêque et cela au grand chagrin de ses parents ; quant à entrer dans le commerce des vins, il s’y refusa nettement. Comme à travers le voile d’une brume flottante il distingua dès lors sa mission propre : il devait être le poète en prose de l’Art et de la Nature. Et, comme toujours, un nouveau voyage dans les Alpes avec sa famille en fut la conséquence. S’il fut d’abord et avant tout le poète en prose de la nature, l’art ne vint que plus tard et lui resta toujours subordonné. « Les nuages et les montagnes ont été ma vie », dit-il. « L’amour unique de la Nature fut pour moi la racine de tout et c’est à sa lumière que j’ai appris ce que je sais. » Personne, pense-t-il, n’éprouva jamais un tel ravissement que celui que lui causa la simple vue des montagnes. « Elles ne me hantaient point comme une passion, elles étaient ma passion même » et il en désigne deux « qui eurent une influence énorme sur sa vie ». L’enfant qui, à quatre ans, demandait un fond de « montagnes bleues » pour son portrait, qui, à sept ans, chantait le Skiddaw, qui, à la première vue des Alpes à Schaffouse, avait la révélation que « sa destinée était désormais fixée dans tout ce qu’elle pouvait avoir de sacré et