Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/111

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d’erreurs, c’est aussi le plus utile remède de l’erreur opposée. L’aberration principale des esprits spéculatifs, celle qui les caractérise le mieux, c’est précisément le manque de cette perception vive et toujours présente du fait objectif ; faute de quoi ils sont exposés non seulement à négliger la contradiction que les faits extérieurs peuvent opposer à leurs théories, mais à perdre totalement de vue le but légitime de la spéculation, et à laisser leurs facultés s’égarer dans des régions qui ne sont peuplées ni d’êtres réels animés ou inanimés, ni même idéalisés, mais d’ombres créées par les illusions de la métaphysique ou par le pur enchevêtrement des mots qu’on nous donne pour les vrais objets de la plus haute et de la plus transcendante philosophie. Pour un homme de théorie ou de spéculation qui s’emploie non à rassembler des matériaux par l’observation, mais à les mettre en œuvre par des opérations intellectuelles, et à en tirer des lois scientifiques ou des règles générales de conduite, rien de plus utile que de pousser ses spéculations avec l’aide et sous la critique d’une femme réellement supérieure. Il n’y a rien de comparable pour maintenir sa pensée dans les limites des faits actuels et de la nature. Une femme se laisse rarement égarer par des abstractions. La tendance habituelle de son esprit à s’occuper des choses séparément plutôt qu’en groupes, et, ce qui y tient