Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

loi que la force. La loi primitive de la force réglait seule les rapports du maître et de l’esclave ; et, excepté dans des cas prévus par des conventions quelconques, ceux de la république avec ses sujets, ou avec les autres États indépendants. Mais pourtant il suffisait que la loi primitive fût bannie de ce tout petit coin, pour que la régénération humaine commençât par la naissance de sentiments dont l’expérience démontra bientôt l’immense valeur au point de vue même des intérêts matériels, et qui, dès lors, n’avaient plus qu’à se développer. Les esclaves ne faisaient pas partie de la république, et pourtant ce fut dans les États libres que l’on reconnut pour la première fois aux esclaves quelques droits, en qualité d’êtres humains. Les stoïciens furent les premiers, sauf peut-être les Juifs, à enseigner que les maîtres avaient des obligations morales à remplir envers leurs esclaves. Après la propagation du christianisme, personne ne put rester étranger à cette croyance, et après l’établissement de l’Église catholique elle ne manqua jamais de défenseurs. Pourtant la tâche la plus ardue du christianisme fut de l’imposer ; car l’Église a lutté plus de mille ans sans obtenir un résultat appréciable. Ce n’était pas le pouvoir sur les esprits qui lui manquait ; elle en possédait un immense ; elle amenait les rois et les nobles à se dépouiller de leurs plus beaux domaines pour l’enrichir ;