Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/148

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sympathies et leurs antipathies faussent leur jugement. Admettons la vérité de l’accusation, il faudrait encore prouver que les femmes sont plus souvent égarées par leurs sentiments personnels que les hommes par leur intérêt personnel. La principale différence entre l’homme et la femme, ce serait que l’homme est détourné du devoir et de l’intérêt public par l’attention qu’il a pour lui-même, et que la femme, à qui on ne reconnaît aucun intérêt qui lui soit propre, en est détournée par l’attention qu’elle a pour quelque autre personne. Il faut aussi considérer que toute l’éducation que les femmes reçoivent de la société leur inculque le sentiment que les individus auxquels elles sont liées sont les seuls envers qui elles aient des devoirs, les seuls dont elles soient tenues de soigner les intérêts, tandis que leur éducation les laisse étrangères aux idées les plus élémentaires qu’il faut posséder pour comprendre les grands intérêts et les grands objets de la morale. Le reproche revient à dire que les femmes remplissent trop fidèlement l’unique devoir qu’on leur a enseigné, et le seul à peu près qu’on leur permette de pratiquer.

Quand les possesseurs d’un privilège font des concessions à ceux qui en sont privés, c’est rarement pour une autre cause que parce que ces derniers acquièrent la puissance de les extorquer. Il est probable que les arguments