Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/152

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tiennent seulement compte des cas qui arrivent au jour de la publicité peuvent dire que le mal est exceptionnel : mais personne ne saurait s’aveugler sur son existence, ni, ce qui arrive souvent, sur son intensité. Il est parfaitement évident que les abus du pouvoir marital ne peuvent être réprimés tant qu’il reste debout. Ce n’est pas seulement aux hommes bons, ou aux hommes quelque peu respectables que ce pouvoir est donné, mais à tous les hommes, même aux plus brutaux et aux plus criminels, à ceux qui n’ont d’autre frein pour en modérer l’abus que l’opinion ; et pour ces hommes il n’y a pas d’opinion que celle de leurs pareils. Si de pareils êtres ne faisaient peser une tyrannie cruelle sur la personne humaine que la loi contraint à tout supporter de leur part, la société serait déjà devenue un paradis. Il ne serait plus besoin de lois pour mettre un frein aux penchants vicieux des hommes. Non seulement Astrée serait revenue sur la terre, mais le cœur du pire des hommes serait son temple. La loi de la servitude dans le mariage est une contradiction monstrueuse de tous les principes du monde moderne, et de toute l’expérience qui a servi au monde moderne à les élaborer. À part l’esclavage des nègres, c’est le seul exemple où l’on voie un membre de l’humanité jouissant de toutes ses facultés livré à la merci d’un autre avec l’espérance que celui-ci usera