Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/23

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nature veut dire contre l’usage, et pas autre chose, et que tout ce qui est habituel paraît naturel. La subordination de la femme à l’homme est une coutume universelle : une dérogation à cette coutume apparaît donc tout naturellement contre nature. Mais l’expérience montre à quel point ici le sentiment dépend d’une coutume. Rien n’étonne plus les habitants d’une partie éloignée du globe, quand ils entendent parler de l’Angleterre pour la première fois, que d’apprendre que ce pays a à sa tête une reine : la chose leur paraît à ce point contre nature, qu’ils la trouvent incroyable. Les Anglais ne la trouvent pas le moins du monde contre nature, parce qu’ils y sont faits, mais ils trouveraient contre nature que des femmes fussent soldats ou membres du parlement. Dans les temps féodaux, au contraire, on ne trouvait pas contre nature que les femmes fissent la guerre et dirigeassent la politique, parce que ce n’était pas rare. On trouvait naturel que les femmes des classes privilégiées eussent un caractère viril, qu’elles ne le cédassent en rien à leurs maris ou à leurs pères, si ce n’est en force physique. Les Grecs ne trouvaient pas l’indépendance des femmes aussi contraire à la nature que les autres peuples anciens, à cause de la fable des Amazones, qu’ils croyaient historique, et de l’exemple des femmes de Sparte qui, tout en étant subordonnées par la loi autant que